La science a beau être partout, elle demeure le parent pauvre des élections. Aux États-Unis, un petit groupe a lancé il y a quelques semaines une pétition qui réclame que la science soit introduite dans un débat entre les candidats à la présidence. Et déjà, « Science Debate 2008 » a recueilli des milliers de signatures, incluant des journalistes, des politiciens et des Prix Nobel.

Le projet n’avait encore eu droit à aucune présentation « officielle », lorsque deux de ses parrains — un journaliste et une biologiste d’environ 30 ans — se sont retrouvé sur une tribune, le 19 janvier, dans le cadre du congrès « Science Blogging » — la science sur les blogues — qui avait lieu près de Raleigh, en Caroline du Nord.

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L’ambiance générale, où les deux parrains faisaient face à des spectateurs souvent plus expérimentés, dont plusieurs grisonnants, donnait l’impression d’une paire d’étudiants venus présenter un projet d’étude à leurs superviseurs. Un moment historique : car, que leur rêve se réalise ou non en 2008, il s’agit d’une première qui pourrait faire des petits.

« Considérant, dit la pétition, les nombreux et urgents défis en science et en technologie, le besoin croissant d’une information scientifique précise dans la prise de décision politique et le rôle vital de l’innovation scientifique pour aiguillonner la croissance économique et la compétitivité », nous en appelons à « un débat public au cours duquel les candidats à la présidence pourront partager leurs idées sur l’environnement, la santé et la médecine, la science et la technologie ».

Lancé le 26 décembre 2007 par un simple communiqué de presse, « Science Debate 2008 » n’a pratiquement pas eu d’échos dans les médias, en dehors de ceux que lisent les passionnés de science — et en particulier, les blogues.

Mais il n’en a pas fallu davantage pour que la pétition dépasse, dimanche dernier, 3 février, les 12 500 signatures, incluant des scientifiques, dont une quinzaine de Prix Nobel, des présidents d’universités (Columbia, Stanford, Princeton, etc.), des chefs d’entreprise, des auteurs et des éditeurs (Nature, Science, Popular Science, Sky & Telescope, The New Republic, etc.) et même des politiciens : des élus locaux, des directeurs d’organismes publics et deux anciens conseillers scientifiques de la Maison-Blanche. Depuis janvier, des associations ont ajouté leur appui : Union of Concerned Scientists, National Academy of Sciences et surtout l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS).

Un Président qui dirige ou qui suit?

Si les journalistes scientifiques ont l’habitude de traiter de sujets à « l’intersection » de la science et de la politique, le public, lui, continue généralement de voir la science comme un univers à part, détaché du reste de la société.

C’est pourquoi l’éminent physicien (et auteur de best-sellers de vulgarisation scientifique) Lawrence Krauss a jugé bon de défendre cette pétition : « Presque tous les grands défis auxquels fera face cette nation dans ce nouveau siècle ont une base scientifique ou technologique ». Dans une lettre publiée en décembre par le Wall Street Journal , il ajoutait : « Est-ce qu’un président qui n’est pas à l’aise avec la science peut espérer diriger plutôt que suivre? »

Mais un débat télévisé donnerait-il vraiment l’espace nécessaire pour discuter de tels enjeux? Au cours de la présentation du 19 janvier dernier, plusieurs des spectateurs, tout en saluant l’initiative, ont fait part de leur scepticisme — et parmi eux, plusieurs journalistes qui soulignaient combien leurs propres médias n’ont jamais eu la science à coeur.

L’un des parrains de cette pétition, le journaliste et auteur —et blogueur— Chris Mooney, en convient : « On fait ce qu’on peut avec les médias qu’on a ».

N’est-ce pas trop idéaliste, a-t-on demandé à sa collègue blogueuse, la biologiste Sheril Kirshenbaum? « On est jeunes », a-t-elle répondu avec aplomb et en souriant !

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