Même les scénarios les plus optimistes sur notre capacité à atténuer les émissions polluantes pourraient avoir sous-estimé un élément fondamental : la technologie. Le défi technologique serait peut-être plus gros, beaucoup plus gros.

C’est l’opinion coup-de-poing qu’ont exprimé trois pontes dans un commentaire publié récemment par la revue Nature . Roger Pielke, Tom Wigley et Christopher Green y rappellent que les scénarios du GIEC (Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques), fruits de compromis entre les plus réfractaires et les plus alarmistes, prennent pour acquis que des progrès dans les technologies vertes conduiront à des économies d’énergie et à une réduction de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre. Or, ces scénarios sont « dangereusement optimistes », allèguent les trois auteurs.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Pourquoi dangereusement optimistes? Parce que ces scénarios supposent que ces progrès technologiques surviendront pratiquement tout seuls. Or, aux États-Unis et au Canada, mais aussi en Chine et en Inde, la tendance ne va pas vraiment dans cette direction.

« Au moins les deux tiers des économies d’énergie et de la « décarbonisation » nécessaires pour stabiliser les gaz à effet de serre » sont déjà prévus dans les scénarios du GIEC, écrivent-ils : il en est ainsi, parce que le scénario de référence suppose une certaine évolution naturelle de la technologie et de l’opinion publique.

« Nous croyons que ces pré-supposés sont au mieux optimistes, au pire irréalistes. »

Conséquence : plutôt que de concentrer toute notre attention sur la réduction des gaz à effet de serre, il faudrait que les gouvernements investissent massivement dans des technologies plus vertes et des programmes d’économie d’énergie substantiels. Un voeu qui semble relever du bon sens, mais qui soulève l’ire de certains environnementalistes, qui l’interprètent comme un détournement d’objectifs.

Le scénario de référence dont parlent ces trois auteurs remonte à 2000; en 2003, le GIEC a décidé de ne pas le remettre à jour dans la perspective de son 4e et plus récent rapport. Des climatologues ont argué à l’époque qu’il s’agissait d’un détail secondaire, parce que les rapports globaux du GIEC présentent une grande variété de futurs possibles. Mais pour Pielke —un expert de 15 ans des politiques scientifiques, à l’Université du Colorado— Wigley et Green —économiste l’Université McGill à Montréal— même les plus prudents de ces scénarios sont trop timides.

À titre de démonstration, ils élaborent leur propre scénario extrême, celui d’une « évolution technologique gelée » : supposons qu’il n’y ait pas de progrès dans les technologies vertes, donc que les besoins énergétiques futurs des 6 milliards d’humains, tels que les calculent les différents scénarios du GIEC, soient remplis par les technologies actuelles. C’est seulement sur la base d’une telle méthodologie, écrivent-il, qu’on peut en arriver à calculer les réductions nécessaires.

« Le GIEC, concluent les trois auteurs, se livre à un jeu risqué en assumant que des progrès technologiques spontanés supporteront l’essentiel du fardeau des futures réductions d’émissions, plutôt que de se concentrer sur la mise en place des conditions » politiques nécessaires à la création de tels progrès technologiques.

Je donne