Il n’y a pas que les politiciens qui parlent de réformer le capitalisme. Pour un nombre croissant d’experts, réformer le capitalisme est la seule façon de sauver... la Terre. Engloutir d’autres centaines de milliards de dollars n’est pas la solution.

Sous le titre sombre « Comment notre économie tue la Terre », le New Scientist lance un « halte à la croissance » en des termes plus savants et plus élaborés que l’appel du même nom, il y a des décennies.

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Sa démonstration, diront les écologistes, relève du gros bon sens : la consommation de ressources de notre planète augmente plus vite que ce que la planète peut supporter. Cela ne peut donc pas continuer indéfiniment.

Sauf qu'alors que le discours écologiste propose traditionnellement de réduire nos émissions de CO2 ou d’adopter un mode de vie plus durable, ce sont là des efforts futiles, disent de plus en plus d’experts de divers milieux (dont d'autres écologistes). Aussi longtemps que notre système économique sera fondé sur le dogme d’une croissance perpétuelle, nous serons condamnés. « La croissance est, pour la plupart des économistes, aussi essentielle que l’air que nous respirons », ironise le journaliste du New Scientist, et c’est de ce dogme dont il faut se départir, si nous voulons vraiment sauvegarder notre planète. Il est temps de bannir le dieu de la croissance, renchérit l’éditorial.

Parmi ces experts, Herman Daly, le père de l’enviro-économie, Gus Speth, qui fut conseiller à l’environnement du président américain Jimmy Carter (un conseiller à l’environnement à la Maison-Blanche dans les années 1970!) ou l’économiste britannique Andrew Simms (déjà cité ici) qui s’en prend à un mythe : celui selon lequel la croissance serait la seule façon d’éliminer la pauvreté.

Considérez, écrivait ce dernier dans The Guardian le 1er octobre, « qu’il a fallu aux États-Unis et à la Grande-Bretagne seulement une semaine pour laisser tomber des décennies de pratiques économiques bien établies afin de sauver le système financier... Nous devrions nous demander pourquoi il faut plus de temps pour sauver la planète de son réchauffement galopant. »

Pas facile, en effet, d’en convaincre les politiciens, concède le vulgarisateur et activiste canadien David Suzuki. Un appel à la décroissance, ça se glisse mal dans un programme électoral...

Mais « halte à la croissance » n’est pas synonyme d’âge des ténèbres, insiste Herman Daly. L’innovation technologique peut nous permettre de tirer davantage des ressources que nous avons —autrement dit, produire plus avec moins.

En soi, ce n’est pas une idée hérétique du tout : John Stuart Mill, un des fondateurs des études économiques classiques, écrivait en 1848 dans ses Principes d’économie politique, qu’une fois les objectifs de la croissance économique atteints, une économie « stationnaire » pourrait voir le jour, davantage dévolue à l’amélioration des conditions de vie, de la culture, de la morale, plutôt qu’à l’accumulation de richesses.

L’économie moderne, et par extension la politique moderne, rejette cette idée comme utopique et naïve.

Mais la destruction des écosystèmes depuis 20 ans, assortie de l’épuisement des ressources pétrolières et à présent de la crise financière, rendent cette idée plus difficile à balayer du revers de la main.

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