Le budget du premier ministre canadien Stephen Harper a fait jaser —phénomène rare— dans le milieu de la recherche. Au surlendemain de sa présentation, le Globe and Mail annonçait à la Une que Génome Canada, l’un des plus importants fonds de recherche sur les gènes dans le monde, ne recevra pas un sou du gouvernement cette année.

Stupeur dans la communauté scientifique : Génome Canada, après tout, crée des milliers d’emplois, et finance actuellement 33 projets de recherche majeurs, plusieurs d’entre eux en médecine, et plusieurs d’entre eux internationaux. L’an dernier, il avait reçu 140 millions$ du gouvernement fédéral.

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C’est que la recherche de pointe en génétique coûte cher en équipements, en laboratoires et en personnel technique. Parmi ces 33 projets, certains ont des budgets qui se mesurent en dizaines de millions de dollars. Une partie provient du secteur privé.

Génome Canada, qui a été fondé il y a neuf ans, a contribué à faire du Canada un des chefs de file mondiaux de la recherche sur le génome. Et c’est la première fois en neuf ans qu’il ne se retrouve nulle part dans un budget fédéral.

Le Journal de l'Association médicale canadienne dénonce cette décision dans son édition du 5 février, pendant qu'on apprend que des scientifiques ont été appelés à écrire à leurs députés.

Le ministère de l’Industrie a répliqué vendredi, 30 janvier, qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer : le financement reçu par Génome Canada l’an dernier serait censé lui servir cette année aussi. Réaction du président de Génome Canada, Martin Godbout : jamais il n’aurait été dit que c’était un financement de deux ans.

Ce qui est sûr, c’est qu’alors que les autres organismes subventionnaires en science reçoivent un budget de fonctionnement, c’est-à-dire un budget récurrent d’année en année, Génome Canada a toujours roulé sur un budget par projets : donc, pas la même somme d’une année à l’autre.

Pas d’argent en 2009 signifie donc que cette année, on n’approuvera pas de nouveaux projets de recherche, et l’impact se fera sentir dans 2 ou 3 ans, quand les projets actuellement en cours se termineront tous en même temps.

Quand Harper est comparé à Obama

C’est une mauvaise publicité dont se serait bien passé le gouvernement Harper, parce que les réactions outrées des observateurs créent l’impression que cette décision est révélatrice du jupon conservateur qui dépasse.

D’un côté, le président américain Barack Obama annonce de gros investissements dans la recherche et l’éducation : les plus optimistes évaluent que ça représentera le tiers de son plan de relance de 815 milliards. Au Canada, en comparaison, le gros des investissements en éducation concerne la rénovation des écoles et des édifices universitaires.

En environnement, on sait l’importance que prennent l’éolien et les énergies nouvelles dans le programme Obama; au Canada, seulement un milliard de plus sera dépensé sur les énergies nouvelles; et ce sera largement consacré... au nucléaire. Ainsi qu’aux technologies de captage et stockage du carbone dans l’Ouest canadien.

Rien non plus pour pousser l’industrie automobile à produire des véhicules hybrides ou électriques.

Bref, une belle étude de cas, pour les politologues : jusqu’à quel point deux philosophies politiques différentes sont capables d’influencer la recherche scientifique.

Pascal Lapointe

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