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Saviez-vous que chaque année, au Canada, les hospitalisations tuent plus que le cancer du sein, le sida et les accidents de la route réunis? Bien que les chiffres ne soient pas publiés malgré une obligation de déclaration des incidents et accidents, l’Institut canadien d’information sur la santé évalue qu’un adulte sur quatre est victime d’un effet indésirable à la suite d’une hospitalisation; ils seraient entre 9000 et 24000 à en mourir.

Infections diverses, erreur de médication, absence de suivi médical, complications chirurgicales en bloc opératoire, mauvaise opération, les causes de ces effets indésirables sont nombreuses.

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Face à ce constat alarmant qui dépasse largement les frontières du Canada, l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS) a lancé en 2008 un programme international intitulé « Une chirurgie sûre sauve des vies ». Objectif : mettre en place un protocole de sécurité obligatoire dans les blocs opératoires à l’instar de ce qui se pratique dans l’aviation. La culture du cockpit hermétique et de la boîte noire serait-elle efficace dans une salle d’opération?

C’est ce qu’ont testé huit hôpitaux-pilotes auprès de 7700 patients en Tanzanie, aux Philippines, en Inde, en Jordanie, aux États-Unis, au Canada (Ontario), au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. Pendant un mois, des équipes chirurgicales de culture et de niveau de développement différents ont procédé à la vérification formelle et systématique de 10 points-clés avant et pendant l’intervention : identité du patient, type d’opération, côté à opérer, allergie, traitement d’antibiotiques, décompte des compresses et instruments utilisés, etc. Les résultats sont édifiants : la mortalité a régressé en moyenne de 40 % et le nombre de complications chirurgicales de 30 %.

Un succès sans équivoque qui a motivé de nombreux pays à rendre la « check-list » de l’OMS obligatoire dès janvier 2010. Cependant, si personne ne doute de la pertinence d’une procédure de vérification, sa mise en pratique sur le terrain est complexe.

« Au Québec et au Canada, la liste de vérification de l’OMS n’est pas obligatoire. Il n’y a pas de politique globale sur l’ensemble du territoire. Pour le moment, chaque établissement s’autorégule. La liste de contrôle entrera cependant en vigueur en 2011 », explique Marie-Pascale Pomey, médecin, professeure agrégée à l’Université de Montréal au département d’administration de la santé et directrice de la maîtrise en gestion de la qualité et des risques.

« Pour les équipes médicales, poursuit Mme Pomey, cette démarche de prévention est nouvelle. En effet, dans les hôpitaux, on agit beaucoup sous la pression de l’urgence, on gère au plus pressé. Agir pour prévenir ne fait pas partie des habitudes de travail. »

Entre les barrières d’ordre culturel, organisationnel, communicationnel et politique, la liste de l’OMS n’est pas toujours bien accueillie. Car vu de l’intérieur du bloc opératoire, consacrer du temps à remplir un formulaire par écrit plutôt qu’à opérer ne tombe pas sous le sens.

Sans parler des problèmes de sous-effectif et de surcharge de travail auxquels les infirmières font déjà face. « Le plus dur, c’est d’obtenir l’attention de tous les intervenants – 7 ou 8 personnes en général — au même moment pour procéder à une vérification formelle du travail à effectuer avant l’incision. C’est là que tout le monde doit être attentif; ce n’est pas simple, car au début d’une intervention, le travail va vite, chacun est très occupé » explique Francine Dubois, assistante-infirmière-chef au bloc opératoire à l’hôpital Sainte-Justine.

« Avant les recommandations de l’OMS, on procédait déjà à des vérifications systématiques avant d’opérer, mais cela restait oral et selon la rigueur des intervenants ou les circonstances, on pouvait sauter des étapes. Aujourd’hui, tout est consigné par écrit. Et s’il est vrai qu’au début, les chirurgiens étaient un peu sarcastiques, la liste de vérification est aujourd’hui bien acceptée », ajoute Mme Dubois qui travaille depuis 2007 sur un protocole de sécurité chirurgical adapté à la pédiatrie.

À en croire Marie-Pascale Pomey, l’hôpital Sainte-Justine ne reflète pas la réalité de tous les établissements. « La check-list est souvent perçue comme une procédure de contrôle des chirurgiens et des autres professionnels du bloc. Or, il ne s’agit pas de critiquer le travail des experts, mais d’encadrer la sécurité et de disposer d’un document légal qui accompagne le dossier d’un patient. La traçabilité est importante et la conscientisation du risque doit évoluer. »

Espérons que la culture du cockpit arrivera à s’imposer dans les blocs opératoires même si l’appréhension du risque est radicalement différente : dans un cas, une erreur humaine entraîne le crash de l’avion, dans l’autre, seul le patient reste sur le carreau!

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