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Chaque participant reçoit dans la paume de la main une feuille de laurier. Un rituel odorant qui précède la conversation dont chacun est encouragé à entamer avec son voisin sur sa propre recherche de rêve.

Étrangement, cette «communion» s’est tenue à l’intérieur même des murs du plus gros congrès de sciences au Canada. Pousser la porte du Colloque sur les soins spirituels au Québec: les enjeux de la recherche pouvait en effet amener son lot de surprises. Et pourtant, le langage utilisé par les différents experts réunis pour l’occasion ne différait guère des autres présentations des salles attenantes: situation clinique, études de cas, projets de recherche, évaluations d’impact, etc.

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Au Québec, la recherche en soins spirituels débute à peine: le Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale n’a que six ans. Même si la visite aux malades se fait toujours, se pencher sur la spiritualité en santé comme sujet d’étude provient des récentes transformations sociétales et professionnelles.

Aux États-Unis toutefois, ces soins font déjà l’objet d’innombrables recherches de tout genre. «La littérature anglophone sur le sujet est nombreuse et nous avons pris conscience qu’il y en avait peu en français. Cela nous motive à produire une recherche proche de nos préoccupations», déclare Bruno Bélanger du Centre Spiritualitésanté de Québec.

Cette intégration des questions spirituelles et religieuses dans les préoccupations du monde médical a été un vecteur de l’humanisation des soins, rapporte Guy Jobin de la faculté de théologie de l’Université Laval et spécialiste de l’éthique théologique. Une critique en quelque sorte des technosciences et de l’institutionnalisation de la bioéthique.

Différentes disciplines, la médecine, la psychologie et le travail social en tête, infusent dorénavant leurs pratiques de spiritualité, l’écoute étant le soin le plus cité. Ces soins se démarquent par leur tradition de dialogue inscrite dans les différentes confessionnalités. «Il est difficile d’envisager la spiritualité hors de toute tradition et des codes sur lesquels elle s’appuie», note l’éthicien.

Il reste aussi encore beaucoup à faire en soins spirituels comme l’explique Michel N’Yabenda, chef de services spirituels au Centre hospitalier de l’Université de Montréal: «Tout est à mettre sur pied, car nous n’avons pas de grande tradition en recherche en soins spirituels. Mais notre approche traditionnelle reste tout de même riche et humaniste.»

De l’aumônier à l’intervenant en soins spirituels

Pour répondre aux besoins spirituels et religieux des patients et de leurs familles, les institutions médicales intègrent désormais des intervenants en soins spirituels –les anciens aumôniers— dans leurs équipes soignantes. Ils offrent un «service d’accompagnement» afin que la «clientèle» affronte la maladie, lutte contre la peur et donne un sens à la maladie qui survient.

«Notre mission demeure, même sans mandat confessionnel. Nous sommes passés d’une mission consolatrice, évangélisatrice, voire missionnaire, à une approche non confessionnelle, humaniste et anthropologique», précise Gaston Lachance, professeur de théologie à la l’Université de Sherbrooke.

Les anciens animateurs de pastorale, obligés de respecter un modèle non confessionnel depuis maintenant deux ans, cherchent parfois leur voie dans les dédales administratifs et séculiers des centres de santé. Pour améliorer leur pratique et s’adapter à une société de plus en plus laïque et multiconfessionnelle, ils s’interrogent sur leur évolution professionnelle, les interventions auprès des patients, mais aussi sur un bon nombre de questions plus théoriques.

«Il faut se réapproprier notre technique —méditations, prières, rituels, etc.— et défendre notre place. Bien sûr nous vivons les tensions du réseau de la santé, le manque de moyens financiers et humains. C’est pourquoi il faut miser sur nos valeurs: la compassion, l’humanisme et l’empathie qui nourrissent les âmes», ajoute de son côté Nicolas Rivard, intervenant en santé spirituelle au Centre de santé et des services sociaux du Haut-Saint-Maurice.

L’une des voies prometteuses s’annonce celle de «l’approche conscientisante» développée par la doctorante des sciences des religions à l’Université du Québec à Montréal, Danielle Bourque: «Nous devons partir de la spiritualité du patient, et non de celle de l’intervenant. Prendre conscience de la culture de l’autre afin de l’accompagner là où se produit le non-objectivable et le non-savoir», tranche la chercheuse.

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