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Au moment même où un groupe de scientifiques publiait un appel à un moratoire sur les manipulations génétiques de futurs embryons humains, un reportage annonçait qu’un groupe de scientifiques... aurait manipulé génétiquement de futurs embryons humains.

La coïncidence n’en est pas une. Les scientifiques pro-moratoire commencent leur lettre par:

Nous croyons que des études seront bientôt publiées, impliquant l’usage d’outils destinés à modifier l’ADN d’embryons humains.

Cette lettre est parue le 12 mars dans la revue britannique Nature. Le 13 mars, le quotidien britannique The Independant publiait un reportage annonçant que des chercheurs de l’École de médecine de l’Université Harvard, à Boston, auraient d’ores et déjà tenté de modifier l’ADN d’ovules humains...

... en utilisant une technique qui pourrait éliminer des maladies héréditaires des générations suivantes. La recherche a été effectuée sur des cellules ovariennes prélevées sur une femme porteuse d’un cancer de l’ovaire héréditaire, dans le but d’évaluer la possibilité de produire des embryons libérés de cette maladie héréditaire.

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Les résultats en question n’ont pas encore été publiés, mais le fait que cette recherche soit menée à Harvard, et que «les études» auxquelles fait allusion la lettre, puissent également provenir d’Harvard, n’est pas une coïncidence non plus. Le magazine d’information du Massachusetts Institute of Technology (MIT Technology Review) publiait le 5 mars un long reportage sur ces mêmes chercheurs de Harvard et leurs «outils», appelés plus précisément «technologies d’édition du génome» ou CRISPR (pour les intimes: Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats).

CRISPR est testé depuis trois ans sur des porcs et des bovins —et rien n’empêcherait, en théorie, de le tester sur des humains, expliquait Luhan Yang, une postdoctorante de Harvard, d’origine chinoise, gravitant autour du généticien George Church, un des experts mondiaux du génie génétique. Church s’est déjà prononcé en faveur de contrôles stricts sur les chercheurs qui voudraient utiliser CRISPR pour modifier l’ADN des cellules reproductrices humaines.

Il faut comprendre que ce qui provoque de l’émoi ici, ce n’est pas tant la possibilité d’altérer le génome d’une personne, mais la possibilité de faire des modifications qui seraient transmises à la génération suivante. Autrement dit, on ne touche pas à n’importe quels gènes: on touche aux gènes des cellules reproductrices (l’ovule ou le spermatozoïde).

Dans leur lettre, les cinq signataires poursuivent toutefois en ajoutant qu’ils ne s’inquiètent pas seulement de l’impact sur les générations futures, mais de l’impact sur les recherches concernant des modifications génétiques de cellules autres que les reproductrices.

Les technologies d’édition de génome peuvent représenter une avenue importante pour traiter plusieurs maladies, dont le sida, l’hémophilie et diverses formes de cancers.... Elles ne sont pas conçues pour affecter le spermatozoïde ou l’ovule.

L’un des signataires, Fyodor Urnov, de la firme biopharmaceutique Sangamo BioSciences, avait contribué en 2010 au développement de la première technologie d’édition de génome.

Le magazine du MIT signale qu’en plus du laboratoire de George Church, au moins un autre à Boston pousse dans cette direction, ainsi qu’une firme de la région, OvaScience, ainsi que des scientifiques en Chine et en Grande-Bretagne. Modifier les gènes d’ovule ou de spermatozoïde humain dans le but d’obtenir un embryon génétiquement modifié conçu par fécondation in vitro, serait illégal en Grande-Bretagne et dans 14 pays européens, mais pas aux États-Unis.

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