Espérant de son propre aveu faire le ménage dans « le bruit entourant l’usage d’OGM et du glyphosate », le biologiste végétal de l’Université du Wyoming Andrew Kniss a passé en revue les données des 25 dernières années, à la recherche de corrélations entre l’adoption de nouvelles technologies dans l’agriculture et l’usage ou non d’herbicides. En particulier les herbicides utilisés autour de cinq plantes poussant aux États-Unis, dont le maïs et le soja. Son article intitulé « Tendances à long terme dans l’intensité et la relative toxicité de l’usage d’herbicides » est paru le 10 avril dans la revue Nature Communications.
Le débat autour des mots-clefs glyphosate et Monsanto, est devenu intensément polarisé — le glyphosate, mieux connu sous le nom de Roundup, étant l’herbicide vendu pour accompagner les OGM produits par le géant mondial Monsanto. Et les résultats de son étude ne satisferont pas les camps les plus polarisés, reconnaît Andrew Kniss sur son blogue, puisqu’ils ne démontrent pas que, par la faute de Monsanto, on utiliserait plus d’herbicides : c’est en fait à une croissance régulière et généralisée de l’usage d’herbicides à laquelle on assiste depuis 25 ans aux États-Unis.
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Un des premiers problèmes pour qui veut faire le ménage dans ce débat est de définir ce qu’on entend par toxicité, quand on mesure l’impact d’un herbicide : toxique pour les humains, les rongeurs, les oiseaux, les poissons ? Kniss a donc choisi de s’en tenir à la mesure de toxicité employée pour les mammifères, afin d’avoir une mesure unique, dont on puisse comparer l’évolution dans le temps (et parce que le niveau de risque est plus susceptible d’être applicable à l’humain).
C’est ainsi qu’on constate une croissance de l’usage d’herbicides autour des plants OGM (maïs, soya et coton), comme les critiques le suggèrent. Mais on constate une croissance tout aussi linéaire chez les plants « non-OGM » de riz et de blé. Les promoteurs d’OGM pourraient même utiliser ces chiffres pour affirmer que la croissance des cultures OGM a freiné la croissance des herbicides, quoique rien dans ces données ne permette d’aller aussi loin.
Même s’il s’avérait que les herbicides ne sont pas le problème que plusieurs craignaient, ce ne serait pas la fin des problèmes pour le glyphosate lui-même. Le mois dernier, des documents révélés dans le cadre d’un recours collectif intenté à San Francisco contre Monsanto ont révélé des accointances douteuses entre Monsanto et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).
- D’une part, une conversation téléphonique de 2015 entre un représentant de cette compagnie et un fonctionnaire de l’EPA, Jess Rowland : ce dernier s’était vanté de pouvoir bloquer une enquête de l’EPA sur les risques de cancers causés par le glyphosate. Après la conversation téléphonique, le représentant de la compagnie, Dan Jenkins, a toutefois envoyé un courriel à ses collègues — également présenté dans le cadre de la poursuite — leur conseillant de ne pas placer trop d’espoirs. « Je doute que l’EPA et Jess puissent bloquer ça », a-t-il écrit.
- D’autre part, des courriels alléguant qu’un rapport scientifique signé par l’EPA en 2013 sur les impacts de l’herbicide sur la santé, aurait été écrit « en collaboration » avec un scientifique de Monsanto.
Le tribunal fédéral de San Francisco a reçu l’équivalent de 10 millions de pages de documents dans le cadre de ce recours collectif. Les plaignants allèguent que Monsanto aurait dissimulé de l’information sur la possibilité que le glyphosate ou Roundup puisse causer une forme de cancer appelée lymphome non hodgkinien. Leur poursuite s’appuie sur un avis de l’Organisation mondiale de la santé, qui classe le produit parmi ceux qui augmentent le risque de cancer. Par contre, un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, et un autre de l’EPA, arrivent à une conclusion contraire.