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Elsevier, le géant de l’édition scientifique vient de gagner une autre manche dans le bras de fer qu’il l’oppose aux plateformes de publication en libre accès, comme Sci-Hub et Library of Genesis (LibGen).

La Cour de justice de New York a récemment attribué 15 millions de dollars en dommages et intérêts à Elsevier pour la violation de ses droits d’auteurs. Sci-Hub aurait téléchargé, puis rendu disponibles en 2016, plus de 28 millions de publications provenant d’Elsevier et de deux autres éditeurs, Springer Nature et Wiley-Blackwel.

Les avocats d’Elsevier avaient obtenu l’automne dernier une injonction du tribunal pour obliger Sci-Hub à retirer de son site tout le contenu en provenance de l’éditeur. Cette obligation a été ignorée par Sci-Hub. Depuis, Elsevier a fait pression, avec plus ou moins de succès, auprès des compagnies de nom de domaine afin qu’elles suppriment l’accès à Sci-Hub.

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Alexandra Elbakyan, fondatrice de Sci-Hub et chercheuse en neurologie, utilise en effet pour opérer cette plateforme, depuis la Russie, différents noms de domaines et diverses adresses IP. Lancé en 2011, Sci-Hub vise à rendre disponibles gratuitement les articles scientifiques aux chercheurs de toutes nationalités, particulièrement à ceux des pays du Sud.

Considéré comme un nouveau modèle d’affaires pour les uns et de plateforme de piratage pour les autres, Sci-Hub est désormais consulté par plus de 3 millions d’utilisateurs uniques. Sa grande popularité s’avérerait, selon les observateurs, un symptôme de la frustration des utilisateurs face aux éditeurs académiques, qui persistent à offrir des tarifs d’abonnement, jugés trop onéreux. De nombreuses bibliothèques et universités protestent contre ces éditeurs par l’entremise de pétitions incitant les utilisateurs à se désabonner.

En mai dernier, Elsevier avait déposé auprès de la Cour new-yorkaise une liste de 100 articles repris par Sci-Hub et avait réclamé des dommages et intérêts pour ce piratage. La décision du tribunal en sa faveur risque de faire des petits du côté des éditeurs et a déjà poussé la Société américaine de chimie, qui possède de nombreuses revues scientifiques, à porter plainte le 23 juin dernier, contre Sci-Hub pour vol de contenu.

Cette nouvelle décision envoie le message que « la recherche financée par le public est devenue un atout pour les corporations et une propriété privée », relève John Willinsky, fondateur et directeur du Public Knowledge Project, une initiative inter-universités pour améliorer la qualité et la diffusion des publications académiques.

Le chercheur de l’Université Stanford soutient que la communauté universitaire jugerait probablement « comme plus sérieuse, pour l’enseignement supérieur, l’inaccessibilité aux articles de revues scientifiques que la perte de revenus par Elsevier. »

Un modèle d’affaires très lucratif

Fondé il y a 137 ans, mais appartenant aujourd’hui au groupe néerlando-britannique RELX Group, l’éditeur Elsevier publierait chaque année près de 420 000 articles au sein de 2 500 revues scientifiques et plus de 20 000 produits (livres et autres) à destination de la communauté scientifique et du monde de l’éducation.

Selon The Guardian, l’édition scientifique serait un commerce très lucratif, aux marges de profits qui rivaliseraient avec celles de Google — 3,3 milliards de dollars canadiens et des revenus globaux de 31 milliards de dollars pour Elsevier, soit 36 % de plus que ceux des compagnies Apple, Amazon ou Google en 2010.

Ce modèle d’affaires connaît toutefois son lot de critiques, car il génère de l’argent avec la recherche scientifique payée par des fonds publics, sans rémunération pour les auteurs et les réviseurs, selon des tarifs d’abonnement si élevés qu’ils décourageraient la large diffusion de la connaissance scientifique. « Un scandale public et un modèle d’affaires pervers », sanctionnait d’ailleurs en 2003, le biologiste de l’Université Berkeley, Michael Eisen.

Des citations libres

Quelques démarches vers le libre accès semblent tout de même porter fruit. En avril dernier, pour la première fois, une coalition réunissant militants, universités et éditeurs a annoncé une nouvelle initiative, celle des citations libres (Initiative for Open Citations), qui rendra les données sur les citations disponibles à tous, et ce, gratuitement. Les citations mesurent l’influence d’un article scientifique.

Plus de 14 millions de citations sont aujourd’hui indexées et prêtes à être utilisées par ceux qui le désirent. Pour l’instant, Elsevier, propriétaire des revues savantes Cell et de The Lancet, n’a pas embarqué dans le projet. Et nul ne sait si l’éditeur allemand sera bientôt prêt à le faire.

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