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Les compagnies productrices de carburants fossiles sont d’accord : le problème, ce sont les carburants fossiles. Ceux que nous brûlons et rejetons dans l’atmosphère sont responsables des changements climatiques, aucun doute là-dessus.

C’est du moins la position qu’ont soutenue ces compagnies la semaine dernière devant un juge fédéral de Californie. Dans le cadre de ce qui a été qualifié de première historique, un avocat de la multinationale du pétrole Chevron, Theodore Boutrous, a déclaré que la compagnie « accepte le consensus scientifique » et a cité des passages du plus récent rapport du Groupe des Nations Unies sur les changements climatiques (GIEC) — d’ordinaire la bête noire des mouvements climatosceptiques que ces compagnies ont si longtemps financés. Dans le cadre de la même audience, trois climatologues sont allés dans la même direction lorsqu’ils ont offert au juge William Alsup un cours accéléré sur l’état de la science du climat.

II s’agit de la première étape de la poursuite déclenchée par les villes de San Francisco et Oakland contre cinq géants du pétrole — BP, Chevron, ConocoPhillips, ExxonMobil et Shell. Les deux villes allèguent qu’il est de la responsabilité de ces compagnies de payer pour les infrastructures — barrières anti-inondations et autres systèmes de pompage — qui seront nécessaires pour les protéger contre la hausse du niveau des océans. Là commencent toutefois les désaccords : mon client, a signalé l’avocat de Chevron, n’est pas prêt à accepter le blâme, il pointe plutôt la responsabilité vers les gens qui utilisent des carburants fossiles.

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Reste que, pour l’avocat de Chevron, les rapports du GIEC n’en constituent pas moins une « ressource exceptionnelle » d’informations ; et il admet qu’ils ont établi au fil des ans, avec de plus en plus de certitude, que les carburants fossiles sont la cause première des changements climatiques. Une telle admission, en cour, représente du jamais vu, notait le jour même le San Jose Mercury News, un quotidien de la Silicon Valley.

Il est toutefois possible, note le journaliste Nathanael Johnson, du magazine environnemental Grist, que la future stratégie judiciaire de la compagnie se dégage de ce que l’avocat a insisté pour souligner parmi les conclusions du GIEC : à savoir que les changements climatiques sont aussi causés par « la croissance économique et démographique ».

Ça ne dit pas que c’est la production et l’extraction [des carburants fossiles] qui causent la hausse. C’est la façon dont les gens vivent leurs vies.

En théorie, les avocats des autres pétrolières — qui ne sont pas intervenus pendant cette séance qui était avant tout une séance d’information au bénéfice du juge — pourraient choisir d’apporter un argumentaire différent de Chevron. Mais s’ils n’en font rien, le juge tiendra pour acquis qu’ils sont d’accord. Il restera ensuite à trancher si cette cause est vraiment admissible en cour fédérale. En parallèle, une autre ville et deux comtés de Californie avaient déposé une poursuite similaire devant un autre tribunal, contre les mêmes compagnies pétrolières et gazières. Le 16 mars, un juge fédéral a renvoyé leur cause à un tribunal de l’État.

La ville de New York s’est également engagée dans une démarche similaire en janvier. Et dans l’État de l’Oregon, la poursuite d’un groupe de 21 jeunes contre le gouvernement américain a récemment franchi la dernière étape avant de pouvoir être officiellement entendue.

 

Mise à jour 5 avril: Une synthèse des poursuites engagées par des États, des villes ou des citoyens, par Inside Climate News.

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