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Où commence la vie artificielle ? Des généticiens continuent de déplacer la ligne avec une bactérie E. coli : cette fois, ils ont « réécrit » son ADN, conduisant à une bactérie qui continue de se reproduire, quoique plus lentement, et avec un manuel d’instructions légèrement différent.

Escherichia coli (E. coli) | Pixabay - 1832824

La différence entre « l’ancienne » et la « nouvelle » version est en effet que cette dernière continue de produire des protéines, mais à partir d’un nouvel ensemble de règles biologiques — le « manuel d’instructions » — centrées autour de ce que les biologistes appellent des codons.

Ce n’est pas la première fois que le champ appelé « biologie synthétique » offre ce genre de première. En 2014, une équipe de l’Institut Scripps, en Californie, avait inséré deux lettres supplémentaires de l’alphabet génétique (qui n’en compte que quatre chez tout être vivant), ou nucléotides, dans une bactérie E. coli. Ces nucléotides avaient ensuite été transmis aux générations suivantes. En 2017, la même équipe avait démontré que ces nucléotides étaient fonctionnels, c’est-à-dire qu’ils pouvaient produire de nouvelles protéines.

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Poursuivant une autre voie, en 2008, une autre équipe, à l’Institut Craig Venter, avait annoncé avoir « construit » un génome synthétique de bactérie, à partir des pièces de l’ADN d’une autre bactérie. En d’autres termes, ces chercheurs avaient utilisé du matériel génétique déjà existant, s’élevant à un demi-million de « paires de base ». En 2010, ils étaient parvenus à faire en sorte que cet ADN « reconstitué » prenne le contrôle d’une autre cellule — autrement dit, que ce soit davantage qu’un ADN dans une éprouvette, mais un ADN qui fasse fonctionner une vraie bactérie.

La différence, aujourd’hui, réside dans l’ampleur et la complexité du travail : non seulement ont-ils haussé la barre à quatre millions de paires de base, mais en plus, cet ADN encode des protéines au moyen d’un plus petit nombre de « codons » que l’original (61 plutôt que 64). La recherche, réalisée au Laboratoire de biologie moléculaire du Conseil médical de recherche de Grande-Bretagne, est parue mercredi dans la revue Nature.

Bien que le terme « vie artificielle » ait été utilisé un peu partout depuis mercredi, son utilisation crée de la confusion. Les chercheurs n’ont pas inventé du matériel génétique à partir de zéro. Comme leurs prédécesseurs de 2008 et de 2010, ils ont pris ce qui existait déjà dans la nature et l’ont assemblé morceau par morceau — un travail de moine qui a duré deux ans. Avoir au passage diminué le nombre de codons de 64 à 61 n’a l’air de rien, mais il a fallu pour cela effectuer 13 000 corrections dans le code génétique de la bactérie.

Le résultat final, appelé Syn61, est un génome qui pourrait, en théorie, accomplir de nouvelles fonctions, comme la production de molécules sur demande pour l’industrie.

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