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Ce n’est plus un secret que le gouvernement chinois a beaucoup investi dans les technologies de reconnaissance faciale —technologies qui, dans une société qui investit également beaucoup dans la surveillance vidéo, peuvent permettre de suivre à la trace une personne. Voilà que l’ADN pourrait théoriquement permettre d’aller encore plus loin. 

Un reportage récent du New York Times tirait la sonnette d’alarme: il serait possible d’associer des échantillons d’ADN à un visage, pour autant qu’on possède une base de données imposante de photos de visages d’une population. Or, dans les provinces de l’ouest de la Chine, les autorités auraient jusqu’ici récolté au moins un million d’échantillons de sang des Ouïghours et autres représentants de minorités principalement musulmanes, grâce aux camps de détention dont des reportages ont récemment révélé l’existence. Au-delà de ces camps, ce sont plus de 80 millions d’échantillons d’ADN qui auraient été récoltés à travers le pays, faisant du gouvernement chinois le propriétaire de la plus grosse base de données génétique du monde.

D’ores et déjà, des technologies développées entre autres aux États-Unis et en Chine permettraient d’utiliser un échantillon d’ADN pour reproduire l’image du visage de la personne. La technologie est encore embryonnaire mais la possibilité de s’en servir pour faire du profilage est bien réelle: on a appris plus tôt cette année que le gouvernement chinois finançait des recherches permettant d’utiliser la reconnaissance faciale pour distinguer les gens en fonction de leur origine ethnique, en particulier les Ouïghours. L’ADN deviendrait un élément important de ce casse-tête. 

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En fait, notait récemment le biologiste belge Yves Moreau, au cours des huit dernières années, trois revues scientifiques majeures du domaine de la génétique et de la médecine légale, ont publié 40 articles en provenance de Chine qui décrivaient le génome des minorités tibétaines et musulmanes de ce pays.

En réaction au reportage du Times, des experts ont objecté que la possibilité de prédire l’apparence d’une personne à partir de son génome relevait encore de la science-fiction, tant nos connaissances de la génétique étaient encore imparfaites.

Mais il n’en demeure pas moins qu’à défaut d’identifier une personne, le profilage génétique, lui, appartient au réel: c’est depuis les années 2000 que des groupes d’activistes et de généticiens évoquent la possibilité qu’on cible des groupes en fonction de leur ADN. C’est en réponse à ces signaux d’alarme que certains pays ont voté des lois ajoutant le génome à la liste des variables que les policiers n’ont pas le droit d’utiliser pour cibler un groupe (avec la religion et la couleur de la peau).

Et le scénario est devenu encore plus réaliste ces dernières années, alors que les bases de données génétiques sont devenues de moins en moins coûteuses à mettre sur pied.

Signe des temps, le 4 décembre, dans la foulée des révélations du New York Times, deux des plus gros éditeurs de revues scientifiques, Springer (qui publie entre autres la revue Nature) et Wiley, annonçaient qu’ils réévalueraient des articles précédemment publiés sur les Tibétains, les Ouïghours et d’autres minorités, afin de voir si les auteurs de ces recherches avaient au préalable obtenu de leurs sujets les autorisations d’usage pour utiliser leur ADN.

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