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Pour que des fausses nouvelles circulent beaucoup, l’idéologie des personnes qui les partagent joue certes un rôle. Mais ce ne serait pas le rôle dominant: la première place reviendrait plutôt au manque de temps pris par ces personnes pour raisonner, et à leur faible niveau d’attention.

Ce sont deux des faits qui se dégagent d’une méta-analyse, c’est-à-dire une revue de la littérature scientifique. Une littérature qui se fait de plus en plus abondante sur la question, notent les deux auteurs, le Canadien Gordon Pennycook (Université de Regina) et l’Américain David Rand (Massachusetts Institute of Technology).

Prendre plus de temps pour réfléchir

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Ils rappellent tout d’abord qu’on a beaucoup insisté ces dernières années, spécialement dans la foulée des élections américaines de 2016, sur l’enfermement dans des « bulles » idéologiques —enfermement qui a pour conséquence qu’une personne qui croit au candidat X va partager des nouvelles favorables à son candidat, sans distinguer si elles sont vraies ou fausses. Les deux chercheurs ne nient pas l’importance de ce facteur, mais soulignent que les recherches des dernières années tendent à conclure qu’on a sous-estimé le poids du discernement. « Les gens qui réfléchissent davantage sont plus capables de discerner le vrai du faux —peu importe si la nouvelle est en phase ou non avec leur idéologie. »

Cette conclusion semble être confirmée par des expériences des dernières années où des discussions avec des participants ont entraîné une réduction de leurs croyances en une fausse nouvelle, même si cela n’altérait pas leur « alignement idéologique ».

À l’inverse, les gens qui tombent dans le piège d’une fausse nouvelle le font souvent « parce qu’ils n’ont pas pris le temps et n’ont pas réfléchi suffisamment à leurs connaissances préalables et non parce que leur raisonnement avait été court-circuité par leurs motivations politiques ».

Partager sans réfléchir

L’autre facteur qui a peut-être été sous-estimé, écrivent Pennycook et Rand, c’est que ce n’est pas parce que quelqu’un partage quelque chose sur les médias sociaux… qu’il y croit. La méta-analyse semble révéler à ce sujet que les gens sont plus capables de discerner le vrai du faux que ce que leurs « partages » laissent croire.

Par exemple, dans des expériences où on leur montre différentes manchettes, « leur intention de partager, pour les fausses manchettes, était 91% plus élevée pour les nouvelles politiques et 33% plus élevée pour celles sur la COVID-19, par rapport à leur évaluation de la véracité » de ces nouvelles. Autrement dit, un grand nombre d’entre eux auraient été prêts à partager une nouvelle qu’ils auraient été pourtant capables d’identifier comme fausse.

Deux des hypothèses pour expliquer cette anomalie : pour certains, leur préférence idéologique l’emporte sur leurs scrupules à partager une chose qu’ils savent être fausse. Pour d’autres, le niveau de distraction et d’inattention est tel sur les médias sociaux qu’ils ont mal lu ou lu trop vite. Ainsi, lorsqu’on demande aux participants « de donner une note au niveau de véracité de chaque manchette avant de décider de la partager », cela réduit le partage de fausses nouvelles de 51%. Autrement dit, réfléchir a son utilité…

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