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On imagine mal l’Agence Science- Presse être en train de diffuser des fausses nouvelles. Mais c’est étrangement ce qu'a prétendu Facebook qui a restreint, pendant 3 semaines, la portée de notre page pour une durée de 90 jours. Sans qu’on sache pourquoi.

Le 21 avril, au lendemain de la publication de ce texte, Facebook nous avisait que la publication qui avait fait problème était rétablie, sans qu’on sache davantage pourquoi.

Avis de FB - 21 avril 2022

Tout commence le 28 mars avec la publication d’un article sur les arguments et stratégies du mouvement antivaccin. Peu de temps après son partage sur la page Facebook de l’Agence, ce contenu est « supprimé pour non-respect [des] standards de la communauté ».

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Après un échange infructueux avec le service à la clientèle et une republication de la nouvelle, un affichage automatique nous avise que la page de l’Agence est à présent restreinte pendant au moins 90 jours car, écrit Facebook, elle aurait partagé « de fausses informations à plusieurs reprises ». Il n’est dit nulle part quelles sont ces fausses informations. Il pourrait s’agir d’un contenu qui a déplu à un ou à des usagers, ou bien d’un algorithme qui a mal fait son travail en détectant une séquence de mots-clefs qui lui a semblé suspecte. Mais impossible pour l’instant de savoir ce qui s’est réellement passé.

Concrètement, la conséquence est que les publications de l’Agence sont déplacées au bas du fil pour réduire leur visibilité, causant un impact direct sur l’achalandage du site. De plus, il n’est plus possible de faire de la publicité, de s’inscrire en tant que page d’actualités ou d’inviter des amis à aimer la page.

Depuis cette date, l’équipe de l’Agence a bien tenté de contester cette décision, mais la tâche n’est pas facile. Par exemple, bien que Facebook propose de faire une demande de réexamen, la disponibilité du bouton pour envoyer une telle demande semble aléatoire, et ne débouche de toutes façons sur aucune réponse de l’entreprise. En bref, trois semaines plus tard, après avoir contacté quatre fois le service à la clientèle et même écrit à Kevin Chan, dirigeant de Facebook Canada, la page de l’Agence est toujours restreinte et les explications, inexistantes.

Et un des échanges nous a valu une réponse dans un français pour le moins étrange: « D'ici André a nouveaux de Meta concierge support pour rappel votre numéro de dossier est le (...). je vais faire une demande a nos équipes interne sur votre cas est des que j'aurais une reponse je vos recontacte. Dans nous vous remercions contacté Meta concierge support. »

Pour qui l’ignore, rappelons que l’Agence Science-Presse est un média à but non lucratif qui couvre l’actualité scientifique depuis 43 ans, que Les Débrouillards y sont  nés en 1982, qu’elle a créé en 2016 la rubrique du Détecteur de rumeurs, qui traque les nouvelles fausses ou douteuses en science et en santé,  et que son travail en éducation à l’information lui a valu en 2019 un prix de la Fondation canadienne pour le journalisme, catégorie « promotion de la culture de l’information » —un prix financé par… Facebook !

Pas un cas unique

Il n’est pas dans nos habitudes de parler de nous-mêmes dans nos articles, mais si nous le faisons ici, c’est parce qu’après quelques recherches, il s’avère que nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu ce genre de situation. Par exemple, le Dr Alain Vadeboncoeur, vulgarisateur de longue date dans les médias et sur les réseaux sociaux, et lui aussi très actif dans la traque aux fausses informations, a été suspendu trois fois à ce jour. Après avoir signalé la situation par les moyens habituels et écrit à une adresse interne qu’il avait déjà utilisée dans un autre contexte, la suspension a été levée du jour au lendemain, comme si rien n’était arrivé, a-t-il raconté par courriel. Il n’a reçu aucune explication.

La journaliste Brigitte Noël, de l’émission Enquête de Radio-Canada, a également été temporairement bloquée après la publication d’articles consacrés au mouvement QAnon, partagés sur son compte privé.

Mathieu Nadeau-Vallée, pour sa part connu pour ses vidéos sur TikTok, détenteur d’un doctorat en pharmacologie de l’Université de Montréal et médecin résident en anesthésie, a aussi eu droit à des mises en garde de Facebook après avoir publié des contenus sur l’immunité naturelle. « Les utilisateurs qui s’abonnaient recevaient également un avertissement que notre page n’était pas légitime », ajoute-t-il. Il a réglé la situation en optant pour un compte payant sur TikTok. « Nous avons beaucoup plus de services auprès de l’équipe de Facebook, ce qui nous permet de nous expliquer. »

L’hypothèse du Dr Vadeboncoeur: des signalements d’usagers de Facebook seraient responsables de sa suspension. Une situation similaire à celle de Mathieu Nadeau-Vallée. « Après mon passage à Tout le monde en parle, il y avait des groupes Facebook de complotistes qui incitaient à aller signaler mes contenus. Les signalements venaient par centaines. Depuis, ça s’est beaucoup calmé. »

Selon le jeune médecin, l’utilisation d’hyperliens vers des contenus externes augmente aussi le risque d’être signalé et ce, même s’il s’agit d’une source irréprochable. « Par exemple, nous avons mis un lien vers un article du New England Journal of Medicine (NEJM) et Facebook nous a dit que c’était de la désinformation », raconte-t-il. Or, le NEJM est l’une des revues scientifiques les plus réputées au monde. C’est d’ailleurs ce qui fait croire à M. Nadeau-Vallée que les signalements sont traités par un processus automatisé et non par de vraies personnes.

Contacté le 19 avril pour en savoir plus sur la politique de la plateforme face à des incidents de ce genre, le relationniste de la firme Tact Conseil, en charge du dossier Facebook au Québec, ne nous était pas revenu au moment de publier ce texte.  

 

Ce texte a été mis à jour le 21 avril à 10h avec l'annonce (2e paragraphe) du rétablissement de la situation. 

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