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C’est devenu un lieu commun que de dire que l’actuelle hausse des prix va accroître la crise alimentaire à travers le monde. Et qu’une crise alimentaire cause des problèmes au-delà d’une crise humanitaire. Pourtant, il y a des solutions.

Ce sont 300 millions de personnes qui souffrent actuellement de la faim —un record, souligne le Programme alimentaire mondial des Nations unies. Et 50 millions de plus sont au bord de la famine. L’inflation est le résultat d’une foule de facteurs, depuis la pandémie, qui a perturbé les chaînes d’alimentation, jusqu’aux canicules extrêmes en Inde en passant par la guerre en Ukraine. Si les résidents des pays riches peuvent, en général, trouver des alternatives à un panier d’épicerie trop cher, beaucoup d’habitants des pays pauvres n’ont tout simplement pas d’alternatives, parce que les intermédiaires n’ont pas eu les moyens d’acheter tout le nécessaire pour que les aliments se rendent jusqu’au bout de la chaîne.

Et même pour les résidents des pays riches, ce n’est pas simple, alors que les banques alimentaires, notamment aux États-Unis, notent une hausse de la demande à laquelle ils ne sont pas nécessairement capables de répondre. Ça peut se traduire par des régimes moins équilibrés, qui entraînent des déficiences nutritionnelles chez les enfants, qui auront des impacts à long terme.

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Quant à l’idée qu’une crise alimentaire ne soit pas qu’une crise humanitaire, le New Scientist le rappelle cette semaine: ça entraîne des troubles sociaux, des migrations de masse, de l’instabilité politique et même des guerres. La hausse des prix des aliments de 2007-2008 est directement associée à des émeutes dans plusieurs pays. Et celle du début des années 2010 aurait joué un rôle dans les mouvements populaires qui ont donné le Printemps arabe.

Et ce qui n’arrange rien, c’est qu’à la hausse du prix des aliments, s’est ajoutée à présent une hausse du prix de l’essence. Avant la pandémie, une étude en 2019 avait tiré la sonnette d’alarme: 64% des variations du prix des aliments pourraient s’expliquer par les variations du prix du carburant.

Tout ceci conduit toutefois vers certaines pistes de solution. À défaut de pouvoir produire plus de nourriture, une première chose à faire pourrait être de cesser d’en produire pour la transformer en biocarburant: dès la mi-mars, des experts interrogés par le New Scientist évaluaient que les États-Unis et l’Europe pourraient compenser pour la perte du blé ukrainien cette année rien qu’en éliminant leurs objectifs de transformation en biocarburants. Des politiciens ont également pris position en faveur de cette idée; les pressions de l’industrie du biocarburant ralentiraient toutefois le virage.

Une autre façon de rendre davantage de nourriture disponible est de réduire la consommation de viande. Ou plus exactement, de réduire la partie des terres nécessaires pour nourrir les animaux, afin qu’il en reste davantage pour les humains. En théorie, une hausse des prix de la viande pourrait être un excellent argument pour une alimentation végétarienne. Il reste à prouver que ça aura un impact tout de suite, mais ça en aurait inévitablement un dans la prochaine crise alimentaire.

Le fait est qu’une partie de ces problèmes est prévisible: les prix ne redescendront vraisemblablement pas avant des mois, les réserves de blé accumulées auront peut-être du mal à être exportées —en Ukraine en particulier, si les réserves ne sortent pas du pays, il n’y aura pas de place pour entreposer les prochaines récoltes. Dans l’ensemble, préviennent les Nations unies, on pourrait être engagé dans une crise alimentaire se mesurant en années.

Enfin, il y aura assurément d’autres températures extrêmes cet été: déjà, la Chine a prévenu que ses récoltes de blé d’hiver pourraient être les pires de l’histoire à cause des précipitations anormalement élevées. Du côté des États-Unis, c’est la sécheresse qui a affecté ces mêmes récoltes, du côté de l’Australie, les inondations, et du côté de l’Inde et de l’Espagne, les canicules.

Les pays qui seraient tentés de limiter leurs exportations pour se garder davantage de réserves seraient malavisés, préviennent tous les experts interrogés. Cela en inciterait d’autres à faire de même, et ça amènerait encore plus de pénuries, depuis  les engrais (dont la Russie était le premier exportateur mondial avant la guerre) jusqu’au blé (dont l’Inde a annoncé récemment qu’elle réduisait ses exportations) en passant par l’huile de palme (dont l’Indonésie a annoncé qu’elle limitait ses exportations). Si la guerre en Ukraine a empiré le problème, cela fait maintenant deux ans que les prix des aliments connaissent une hausse régulière: une multiplication des pénuries n’arrangerait pas les choses.

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