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En 2008, la crise alimentaire avait été responsable d’émeutes dans des dizaines de pays. Cette fois-ci, on a fait peu de cas de ses liens avec la Tunisie ou l'Égypte. N’empêche qu’un scénario similaire à 2008 semble se dessiner pays après pays.

Déjà au début de l’année, le prix du pain, en Egypte, était de 30% supérieur à ce qu’il était l’an dernier à pareille date. Et cela s’ajoute au fait que ce pays de 80 millions d’habitants, le plus peuplé des pays arabes, vit des protestations épisodiques... depuis 2004, selon l’agence Bloomberg. L’inflation était de 10% à la fin de 2010, tandis que la croissance économique restait insuffisante pour faire baisser le taux de chômage. Inflation et chômage : un mélange explosif.

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Or, l’Égypte doit importer 60% de son blé. Et si l’éthanol, en 2008, avait été en partie responsable de la hausse du prix du blé, cette fois, ce sont les événements climatiques extrêmes de 2010 : la sécheresse en Chine, la canicule en Russie, les inondations en Australie, ont conduit certains pays à entreposer leurs surplus pour faire face à d’éventuelles pénuries. D’où, moins d’exportations pour des pays qui en sont dépendants, comme l'Egypte.

Résultat : pour connaître les pays les plus susceptibles de suivre l’exemple de la Tunisie et de l’Égypte, il est conseillé de rechercher ceux qui ont le plus souffert des prix élevés du blé cette année. Selon le Globe and Mail, la Jordanie, l’Algérie, le Maroc et le Yemen s’en inquiètent au point d’avoir commencé, ces dernières semaines, à acheter de grosses réserves de blé, dans le but d’essayer de contrôler une éventuelle escalade des prix. Les Jordaniens sont également descendus dans la rue dès la mi-janvier pour protester contre la hausse du prix des aliments.

Un de ces « prophètes » avait été l’économiste égyptien Hamdi Abdel-Azim, qui avait déclaré en novembre :

Si la hausse des prix des aliments persiste, il y aura une explosion de colère populaire contre le gouvernement.

Le gouvernement égyptien avait pourtant cru voir venir le coup. Après les émeutes de la faim en 2008, il avait institué des subventions à l’achat de pain et des cartes de rationnement. Ces mesures n’ont pas empêché les prix de grimper à nouveau —et avec les émeutes de la dernière semaine, qui ralentissent l’approvisionnement des magasins, c’est la rareté qui commence à prendre place.

Des prix à un niveau record

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) avait elle aussi vu venir le coup, rappelle le Scientific American. Son guide des politiques en matière d’alimentation publié après les émeutes de la faim de 2008 —et remis à jour la semaine dernière— « déconseille de prendre des mesures qui pourraient sembler utiles à court terme mais auraient un impact néfaste à long terme » :

Restreindre les exportations, par exemple, une mesure appliquée par certains pays producteurs de surplus, a exacerbé le marché des prix alimentaires mondiaux pendant la crise de 2007-2008. La FAO déconseille fortement de telles mesures, parce qu’elles provoquent davantage d’incertitudes et de perturbations des marchés mondiaux, et poussent les prix à la hausse.

La FAO a de plus publié, le 6 janvier, une mauvaise nouvelle : en raison des événements climatiques extrêmes de 2010, l’indice mondial du prix des aliments a atteint en décembre un niveau record, donc supérieur à celui atteint en 2008. Observant ces chiffres, et alors que la crise en Tunisie n’en était qu’à ses premiers balbutiements, l’économiste en chef de la FAO déclarait aux journalistes : « nous entrons dans un territoire dangereux ».

L’indice de janvier, qui sera connu jeudi, sera au moins aussi élevé que celui de décembre.

Reste à savoir si l’année 2010 était une anomalie en matière d’événements climatiques extrêmes, ou l’avant-garde de changements à venir...

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