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Une astronome au coeur de la mission James-Webb, un biologiste au coeur de l’effort pour faire accepter aux pays riches leur responsabilité dans le climat, une climatologue ukrainienne… Ce sont quelques-unes des personnalités de l’année choisies par la revue Nature.

Le parcours du Saleemul Huq —qualifié de « révolutionnaire du climat »— est inattendu. Ce biologiste du Bangladesh est depuis plus de 10 ans un des chefs de file du mouvement qui réclame l’ajout dans les négociations sur le climat de compensations financières aux pays pauvres pour les « pertes et dommages » infligés par les changements climatiques. « Pertes et dommages, ce n’est pas de l’aide » financière, explique celui qui est passé de la biologie végétale à la direction du Centre pour les changements climatiques et le développement, à Dhaka. « C’est basé sur le principe du pollueur-payeur », et c’est la raison pour laquelle les pays riches s’y sont farouchement opposés, depuis la première mention de l’idée, au Sommet de Rio de 1992. « Lorsque de l’argent est donné à titre d’aide, tout le pouvoir reste entre les mains du donateur. »

Le Bangladesh a une longue histoire de désastres climatiques, ce qui explique que, très tôt dans sa carrière scientifique, Huq ait été poussé vers la réflexion sur les politiques environnementales: au Centre des études avancées du Bangladesh qu’il a co-fondé dans les années 1980, et à travers son travail de conseiller climatique pour les pays les plus vulnérables, incluant les pays insulaires qui, dès les années 1990, tiraient la sonnette d’alarme. Sa stratégie, dans les années conduisant à l’Accord de Paris de 2015, aura été de persuader, un à un, des pays influents, afin que les États les plus vulnérables ne soient plus les seuls à monter au créneau. Et il aura fallu attendre 2022 pour que la stratégie porte ses fruits.

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En comparaison, Jane Rigby a un parcours plus classique. Passionnée d’astronomie depuis sa jeunesse, elle a néanmoins été au coeur de cinq mois de stress intense cette année, entre le moment où le télescope spatial JW a été lancé et celui où tous les morceaux ont été décrétés fonctionnels. Elle a été de toutes les étapes où il fallait mesurer si la lumière des étoiles lointaines rentrait à la perfection, assurant en retour à ses collègues des mesures exactes. Le 12 juillet, elle n’était pas seulement co-signataire du tout premier article sur les tout premiers résultats du télescope JW, elle était à la Maison-Blanche pour en dévoiler les premières photos en présence du président Joe Biden.

Quant à la climatologue Svitlana Krakovska, elle fait partie de ces nombreuses Ukrainiennes qui, le 24 février, ont pu entendre les missiles tomber sur sa ville. Sauf qu’elle participait à ce moment à une vidéoconférence avec des représentants de 93 pays visant à finaliser les derniers éléments du « Résumé pour les décideurs » du dernier volume du rapport du GIEC.

C’est à elle qu’on doit, pendant cette rencontre internationale, une déclaration qui n’était pas à l’ordre du jour, mais qui s’imposait dans les circonstances. « Ces changements climatiques induits par l’humain et cette guerre contre l’Ukraine sont directement liés et ont les mêmes racines: les carburants fossiles et la dépendance de l’humanité à leur égard. »

Elle est devenue, depuis, une voix pour l’Ukraine mais surtout, pour dénoncer ce qu’elle appelle une « guerre des carburants fossiles ». Celle qui dirige le Laboratoire de climatologie appliquée à l’Institut hydrométéorologique ukrainien, et qui a étudié la météorologie en Russie, a notamment dirigé une rencontre au siège des Nations unies en septembre sur la « reconstruction de la science ukrainienne » dans l’après-guerre, et a profité de la COP27, en Égypte, pour inviter les différents pays, dans leur lutte contre les changements climatiques, « à imiter la détermination des Ukrainiens ».

 

Photo: Svitlana Krakovska, par Joseph Sywenkyj, pour Nature

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