Partager de la désinformation, ce n’est pas de la paresse: c’est quelque chose d’inhérent au type d’environnement social et de comportements qui se sont créés autour des plateformes numériques.
Pour trois chercheurs américains —deux en psychologie et un en gestion— qui ont testé les comportements de près de 2500 usagers de Facebook, par exemple face à une série de manchettes, la façon dont a été construite « la structure de partage en ligne » des médias sociaux, « serait plus importante que le manque d’esprit critique des usagers ou que leurs biais idéologiques ». Les usagers « partagent souvent de l’information par habitude », réagissant « automatiquement » à des signaux qui leur sont familiers.
Concrètement, les usagers peuvent bel et bien partager tel ou tel contenu parce qu’il renforce leurs croyances ou leur idéologie, mais c’est avant tout le système construit autour du bouton « partage » qui est l’élément dominant : le sentiment de récompense immédiate (si nos amis ont aimé le partage), crée « l’habitude » de partager des contenus qui attireront à nouveau l’attention. Et comme dans tout ce processus, il importe peu que l’information soit vraie ou fausse, il n’y a aucun incitatif à s’efforcer de ne partager que de l’information crédible, puisque ce n’est pas elle qui attire l’attention de nos amis.
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L’analyse, parue en janvier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, rejoint les études qui, ces dernières années, ont noté l’importance primordiale de ce que le jargon des médias sociaux appelle « l’engagement ». En fait, même les documents internes de Facebook dévoilés à l’automne 2021 par la lanceuse d’alerte Frances Haugen ont montré qu’à l’intérieur même de la compagnie, chercheurs et administrateurs étaient conscients du pouvoir démesuré de l’engagement —les boutons « aimer » et « partager »— pour attirer et retenir les usagers, et ce, peu importe que cet « engagement » se fasse à propos d’informations vraies ou fausses. Ce constat se confirme aussi dans le fait que c’est une minorité d’usagers qui produit la majorité des partages.
Tout cela suggère que la désinformation n’est pas une retombée inévitable de ces nouveaux outils, écrivent les auteurs. En théorie, « les usagers peuvent être incités à construire des habitudes de partage qui sont sensibles à la valeur de la véracité » d’une information. Bref, on pourrait réduire la désinformation en changeant les environnements numériques qui la soutiennent et la renforcent. Les auteurs reconnaissent toutefois que ça impliquerait de convaincre les compagnies de changer ce qui, pour elles, est un modèle d’affaires efficace…