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Le rêve d’une viande qui pourrait être consommée sans avoir à tuer des animaux a été très bien financé dans la dernière décennie. Mais les deux dernières années ont refroidi certains des plus enthousiastes. Se pourrait-il qu’on ait vu trop grand?

Le New York Times vient de jeter une douche froide: des entrevues avec près de 60 investisseurs et gens de l’industrie de la viande dite « cultivée en laboratoire », « révèlent une série de ressources gaspillées, de promesses brisées et de science qui reste à prouver ». 

Le terme « viande cultivée » réfère, en théorie, à une poignée de cellules animales qui, nourries en laboratoire avec les bons nutriments et les bonnes hormones, vont devenir des burgers juteux. Inutile de dire que le principal avantage serait environnemental: une étude parue en janvier 2023 faisait état de 64 % de terres cultivables en moins pour la viande de poulet cultivée et jusqu’à 90 % pour la viande de bœuf. Et c’est en plus des quantités gigantesques d’eau qui seraient économisées, et de la réduction potentielle des gaz à effet de serre. 

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Dans la dernière décennie, on a vu apparaître à travers le monde des dizaines de firmes de biotechnologie travaillant à développer divers produits, soutenues par des investisseurs privés et, dans certains cas, par de l’argent public. Selon une estimation du Good Food Institute —un groupe de réflexion voué à promouvoir autant la viande cultivée que la viande végétale— on parle d’investissements totalisant plus de 3 milliards$ entre 2016 et 2022. 

Une importante percée s’est même produite en novembre 2022: l’agence américaine des aliments et drogues (la FDA) a autorisé deux compagnies de San Francisco, Upside Foods et Good Meat, à mettre en vente aux États-Unis leur poulet cultivé. 

Sauf qu’en même temps, il était impossible de ne pas remarquer que le marché était encore relégué à un futur indéterminé. On parlait de coûts de production théoriques s’élevant à 22$ US le kilo (selon une recherche parue en 2021) ou oscillant entre 17$US et 35$ le kilo (selon une recherche parue en 2022). Et ces estimations ne tenaient pas compte des investissements qui seraient nécessaires pour produire à grande échelle. Des millions de dollars allaient à des firmes qui n’avaient encore ni usine ni lignée cellulaire, et qui manquaient de transparence, reprochaient six experts du domaine dans un texte d’opinion publié par la revue Nature Food en septembre 2022.

Et c’est dans ce contexte que, dès 2022, en dépit de l’autorisation aux États-Unis, on avait senti le vent tourner: les investissements avaient chuté du tiers par rapport à 2021. La pandémie, l’inflation, la guerre en Ukraine, avaient sans doute joué un rôle. Mais aussi la perte de confiance de certains des investisseurs dans la « révolution » annoncée.

Au final, reprend le reportage du New York Times, alors qu’on aborde 2024, « rien n’a pu être accompli approchant une échelle significative ». On a tout au plus créé « l’illusion d’une course excitante au marché ». Et même si on allègue qu’une décennie, c’est trop peu pour juger du potentiel de cette « révolution », reste qu’à la vitesse lente où elle évolue, il ne faut pas compter sur cette technologie pour « éviter la catastrophe climatique ». 

Tout n’est pas sombre, nuance le journaliste spécialisé en alimentation Joe Fassler, qui couvre le secteur de la viande cultivée depuis six ans. Il y a bel et bien des percées ici et . Mais reste que l’industrie « a construit de coûteuses usines et obtenu l’approbation gouvernementale [aux États-Unis] avant qu’elle n’ait surmonté ses défis technologiques les plus fondamentaux ». 

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