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Si on s’entend pour dire que la production de laitue génère moins de gaz à effet de serre que la production de viande, il n’en demeure pas moins que cette dernière production pèse moins lourd dans le bilan carbone que les secteurs des transports, des activités industrielles et du bâtiment. Faut-il du coup minimiser l’importance de la consommation de viande dans le contexte de la lutte aux changements climatiques? Le Détecteur de rumeurs fait le point.


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La viande en chiffres

L’ensemble de la production alimentaire est responsable d’environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’humanité. Et de tous les aliments, ceux contenant des protéines animales ont l’impact environnemental le plus lourd: on estime que la production des viandes, poissons, produits laitiers, œufs et autres dérivés, totalise 14,5% de toutes les émissions de GES du secteur agricole mondial. C’est l’équivalent d’environ 8 milliards de tonnes de CO2 par année.

En fait, ces aliments n’ont beau représenter que 18 % de toute la nourriture achetée chaque année par le Québécois moyen, ils représentent 52 % de l’empreinte carbone attribuable à son alimentation, selon une analyse du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). Les viandes et poissons comptent à eux seuls pour 36 % de cette empreinte.

En effet, un animal doit convertir en muscles une quantité énorme de nourriture —donc de ressources et d’énergie— avant qu’il n’aboutisse dans notre assiette sous forme de viande comestible.

Il existe d’autres façons d’évaluer cet impact. Par exemple, pour un même apport nutritionnel, la viande de bœuf, de porc ou de volaille entraîne, pour être produite, l’émission de plus de GES que le tofu. Le fardeau des ruminants (bœufs et vaches laitières) est de loin le plus prononcé. Comparativement aux autres protéines animales, la production de viande de bœuf émet plus de GES (particulièrement sous forme de méthane), relâche plus d’azote, utilise plus d’eau et nécessite des terres plus vastes, contribuant ainsi à la déforestation et à la destruction des écosystèmes.

Les transports et l’industrie, des problèmes plus urgents ?

Pourtant, bien qu’elle soit une cible fréquente des écologistes, l’alimentation carnée retient peu l’attention des décideurs politiques. Dans la lutte aux changements climatiques (par exemple, le Plan pour une économie verte 2030 récemment dévoilé par le gouvernement du Québec), les politiques mettent généralement l’accent sur la réduction des émissions de GES dans des domaines comme les transports, les activités industrielles et les bâtiments.

Il est vrai que les transports « de surface » (autos, camions et trains) représentaient à eux seuls 20,6% des émissions mondiales de GES en 2019 (ce à quoi on peut ajouter les 3% du transport aérien), et l’activité industrielle, 22,4%: ce dernier secteur est particulièrement problématique dans les pays alimentés par des centrales au charbon. C’est du secteur des transports qu’est venu le gros des réductions de GES attribuables au confinement, le printemps dernier.

Au Québec, le secteur des transports représentait 43% en 2017, suivi de l’industrie (30%).

S’attaquer à ces secteurs —remplacement des véhicules à essence par des véhicules électriques, investissements dans le transport en commun, lutte à l’étalement urbain, généralisation du télétravail, passage au solaire et à l’éolien, etc.— aurait donc un impact mesurable, comme l’année 2020 en a donné un avant-goût.

Un virage indispensable…

Mais les efforts sur ces secteurs ne suffiront pas, affirmait en 2019 le Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), dans un rapport spécial consacré à l’impact des changements climatiques sur les sols. Pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, y lisait-on, il faudra manger moins de viande.

En fait, même si l’humanité cessait aujourd’hui de brûler des énergies fossiles pour sa consommation alimentaire, il lui serait impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici l’an 2100, et difficile de le contenir à 2 °C, concluait en novembre une étude parue dans la revue Science.

Il faut d’ailleurs noter que la population mondiale a multiplié sa consommation de viande depuis 50 ans.

Une vaste étude internationale publiée en 2019 dans la revue médicale The Lancet avait eu pour objectif d’évaluer les transformations à apporter à notre régime alimentaire. Pour nourrir 2,3 milliards d’humains de plus d’ici 2050 sans détruire les écosystèmes ni dérégler le climat, il faudrait miser sur une diète « flexitarienne » où les protéines d’origine animale occuperaient une place minime. Celles-ci auraient été remplacées par des protéines d’origine végétale, provenant entre autres des légumineuses.

… mais pavé d’obstacles

Autrement dit, selon cette étude du Lancet, les produits carnés continueraient de figurer au menu, mais beaucoup moins fréquemment. Il faut se rappeler que les aliments d’origine animale n’ont pas que des désavantages: les nutriments qu’ils contiennent sont mieux absorbés et utilisés par notre organisme que ceux d’origine végétale. De fait, si la population des États-Unis devenait végétalienne du jour au lendemain, elle ne pourrait suffire à ses besoins nutritionnels sans recourir aux suppléments alimentaires, concluaient les auteurs d’une autre étude, parue en 2017 dans PNAS.

En outre, « végétaliser » son alimentation, en y intégrant par exemple des substituts de viande, n’est pas une solution magique pour l’environnement. Cultiver du soya, du pois jaune ou du pois chiche de manière intensive, à l’aide d’engrais chimiques comme les nitrates et les phosphates, peut aussi avoir des effets fâcheux sur l’environnement et le climat. « Il faut se questionner sur la durabilité de ces pratiques », souligne Élisabeth Abergel, professeure en sociologie des sciences et technologies à l’Université du Québec à Montréal, dans un article du National Observer.

Une leçon de la pandémie

Enfin, les 12 derniers mois auront donné un argument de plus aux écologistes, sans lien aucun avec les GES : la pandémie. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, la consommation humaine de protéines animales est parmi les principales causes de l'émergence et de la propagation de zoonoses, c’est-à-dire les maladies transmises des animaux aux êtres humains, comme la COVID-19.

 

Verdict

Mitigé. Même si réduire la consommation de viande est indispensable pour réduire nos GES, il existe des secteurs d’activité qui pèsent d’un poids encore plus lourd.

 

 

Photo: PxHere.com

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