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Selon l'évêque croate Juraj Jezerinac, la chair d'embryons avortés serait utilisée pour la fabrication de parfums de luxe. Il y a en fait longtemps qu'une telle affirmation circule… mais c’était auparavant à propos des vaccins et de certains aliments. Le Détecteur de rumeurs et l'Organisation pour la science et la société expliquent la part de vrai et (surtout) de faux dans cette histoire. 


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DDR-OSS-encadreL'origine de la rumeur

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Historiquement, il y a bel et bien un lien à faire entre des cellules de fœtus et la fabrication de certains produits. C’est avec les vaccins que cette rumeur est apparue. Mais il faut remonter pour cela à plus de 50 ans en arrière.

Comme les médecins ont coutume de l'expliquer à leurs patients, un vaccin contient une version atténuée du virus qu'il doit combattre : ainsi, notre système immunitaire, ayant été confronté à cet « ennemi », saura le reconnaître et l'affronter s'il le rencontre à nouveau.

Sauf qu’un virus a cette particularité de ne pas pouvoir se reproduire tout seul (au contraire d'une bactérie). Il lui faut d'abord, pour cela, infecter une cellule vivante. Dès lors, comment les fabricants de vaccins font-ils pour que leurs virus se répliquent en nombre suffisant ?

En théorie, des animaux de laboratoire pourraient faire l'affaire, mais ils sont à risque d'être eux-mêmes contaminés par d'autres maladies. C'est pourquoi, il y a longtemps, des chercheurs ont songé à des cellules humaines.

L'origine de la lignée cellulaire

Il existe deux lignées cellulaires utilisées couramment pour le développement de vaccins. La première, appelée WI-38, fut développée en 1962 et provient de tissus pulmonaires d'un fœtus avorté après trois mois de grossesse (un tissu est une accumulation de milliers, voire de millions de cellules). La seconde lignée, MRC-5, a été créée en 1966 à partir de tissus pulmonaires d'un autre fœtus avorté après trois mois et demi de grossesse.

Ces deux lignées cellulaires ont été maintenues en culture et sont encore utilisées de nos jours. Depuis plus de 50 ans, l'utilisation de ces cellules provenant de deux avortements a permis de créer des vaccins contre l'hépatite A, la rubéole, le zona et autres maladies infectieuses. On estime que les vaccins découlant de la lignée cellulaire WI-38 à elle seule ont prévenu 11 millions de morts.

On parle donc de cellules qui sont les lointaines descendantes de cellules d'embryons avortés. De plus, les cellules elles-mêmes ne se retrouvent pas dans les vaccins : les virus se multiplient dans ces cellules, puis en sont retirés. Il est donc encore plus faux de prétendre qu'il y a des « tissus d'embryons avortés » dans les vaccins.

L'origine de l'autre rumeur

L'idée que des compagnies comme Pepsi et Kraft utilisaient des fœtus avortés dans leur processus de rehaussement du goût de leurs produits a été popularisée par un texte publié sur le site de pseudosciences Natural News en 2015. Ce texte affirmait que certains aliments transformés contenaient « plusieurs agents aromatisants conçus grâce à l'utilisation de tissu humain provenant de bébés avortés ».

Il s'agit ici de la même exagération. Senomyx est une compagnie américaine de biotechnologie qui développe des molécules qui rehaussent le goût pour l'industrie alimentaire. Afin de tester ces molécules, elle utilise des récepteurs du goût exprimés par la lignée cellulaire HEK 293, qui provient ultimement de cellules de reins d'un fœtus avorté en 1973.

Aucune cellule de fœtus n'est donc présente dans le produit alimentaire final. Même l'organisation anti-avortement Children of God for Life écrit sur son site Web : « Ne soyez pas bernés, surpris ou induits en erreur — il n’existe pas de produit alimentaire contenant du matériel fœtal avorté — et il n’en a jamais existé ! »

L'histoire se répète avec les crèmes anti-âge et il est probable que ce sont ces mêmes affirmations détournées qui ont été lancées par l'évêque croate Jezerinac concernant les parfums. Comme il ne mentionne pas la marque des parfums en question, il est impossible de prouver ou de réfuter son allégation.

 

Ce texte est une adaptation du billet rédigé en anglais par Ada McVean, publié sur le site de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill.

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