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Quelques érables peuvent-ils vraiment compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un voyage en avion? La réponse est oui: la captation, puis la séquestration du CO2 par les arbres est, de toutes les stratégies pour atténuer l’impact des changements climatiques, l’une des plus faciles à calculer. Mais il y a aussi des bémols, expliquent le Détecteur de rumeurs et Unpointcinq.


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L’origine de l’idée

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Tout au long de sa vie, l’arbre a la capacité d’absorber le CO2 de l’atmosphère à l’aide de ses stomates, des petits trous, invisibles à l’œil nu, situés sur la face inférieure des feuilles (ou des aiguilles, dans le cas des conifères). Il le transforme ensuite en séparant le carbone (le C) et l’oxygène (le O2). Le carbone reste emprisonné dans les racines, le tronc et les branches, où il sert à créer la matière organique essentielle à la croissance de l’arbre. L’oxygène, quant à lui, est rejeté dans l’atmosphère. Avec leurs feuilles qui offrent une surface de captation plus grande, les feuillus présentent un avantage sur les conifères, qui n’ont que de minces aiguilles.

Encadré - UnpointcinqLa séquestration du carbone est directement liée à la photosynthèse : plus un arbre en fait, plus il retire efficacement du CO2 de l’atmosphère.

Par contre, l’arbre ne capte pas tout au long de sa vie le CO2 avec la même intensité. « Un jeune semis a peu de feuilles ou d’aiguilles : il ne fait donc pas beaucoup de photosynthèse. Peu à peu, il acquiert un feuillage plus fourni et se met à emmagasiner de plus en plus de carbone », explique Évelyne Thiffault, professeure adjointe au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. « Cette croissance se poursuit jusqu’à ce que l’arbre et ses voisins prennent toute la lumière disponible. Il continue alors à capter du carbone, mais à un rythme plus lent. »

Même vieux, un arbre reste un excellent geôlier : il ne relâche pas de carbone avant son dernier souffle. Ce n’est que lorsqu’il brûle dans un incendie ou se décompose qu’il libère du CO2 dans l’atmosphère. Et s’il est coupé et transformé en planches? Il emprisonne alors son carbone plus longtemps que ses homologues livrés à eux-mêmes dans la forêt. Autrement dit, quand on utilise le bois comme matériau de construction, on prolonge sa durée de rétention du CO2 .

Premier bémol: planter des milliards d’arbres?

D’après une étude parue en juillet 2019 dans la revue Science, il serait possible de planter 900 millions d’hectares de forêts supplémentaires sur Terre. Additionnés aux forêts actuelles, ces arbres auraient la capacité de séquestrer 205 gigatonnes d’équivalent CO2, soit le quart du carbone présent dans l’atmosphère!

Une solution à prendre toutefois avec des pincettes. Tout d'abord, note le climatologue Zeke Hausfather, une importante partie de ces gigatonnes serait de toute façon absorbée par les sols, avec ou sans arbres, et par les océans. La reforestation est une stratégie essentielle, renchérit l’Australien Pep Canadell, directeur du Carbon Global Project, mais elle est une partie de la solution. S'il y a « une » solution prioritaire, calcule le Norvégien Glen Peters, c'est la réduction des émissions de CO2 à la source.

Deuxième bémol: ça prend du temps

Même si on se mettait demain à planter tous ces arbres, il leur faudrait des décennies pour arriver à maturité. «Durant leurs premières années de croissance, les épinettes noires que nous plantons dans le nord du Québec ne séquestrent pas de carbone, explique Claude Villeneuve, titulaire de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi et instigateur du projet Carbone boréal, qui allie compensation carbone et recherche scientifique. « D’après la littérature scientifique, il faut attendre 23 ans avant que l’arbre capture du CO2.»

C’est la raison pour laquelle même les promoteurs de cette stratégie ont coutume de dire que s’il devait y avoir « une » solution prioritaire, ce serait la réduction des émissions de CO2.

Troisième bémol: la forêt boréale est dans le rouge

Étonnamment, toutes les forêts ne sont pas tout le temps des puits de carbone. La forêt boréale canadienne, par exemple, n’affiche pas un bon bilan à cet égard. En effet, malgré ses millions d’arbres qui séquestrent du carbone, son taux d’absorption du CO2, lorsqu’il est mis en rapport avec son taux de libération, est négatif depuis 2001. En cause : la forte mortalité des arbres due aux feux de forêt et aux insectes ravageurs.

Quatrième bémol: attention aux pratiques des entreprises

Si planter des arbres est, à ce jour, la seule méthode permettant d’agir sur le climat a posteriori, il faut toutefois noter que dans plusieurs pays, y compris au Québec, aucun critère n’encadre les pratiques des entreprises qui offrent aux particuliers et aux organisations d’acheter des crédits carbone en contribuant à des plantations d’arbres.

Il existe plusieurs labels, mais seul celui des Nations unies s’impose comme une référence dans le monde.

« La première chose à faire pour l’acheteur est de s’assurer de l’unicité des arbres qu’il plante, que chaque arbre n’est attribué qu’à une seule personne. Dans une entreprise transparente, c’est facile à vérifier puisque tous les arbres sont consignés dans un registre », signale Claude Villeneuve. Ce registre devrait être validé régulièrement par une tierce partie.

Une entreprise de compensation carbone fiable devrait aussi faire tous ses calculs de façon conservatrice. « En ajustant nos chiffres au pire scénario, on s’assure de ne pas gonfler artificiellement la compensation pour rester le plus réaliste possible », explique Claude Villeneuve.

- Aurélie Lagueux-Beloin

Ce texte est une adaptation de deux textes sur la captation du carbone par le média de l’action climatique au Québec Unpointcinq, qu’on pourra lire ici et ici.

Photo: William Bee / CC

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