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Copernic aurait provoqué une « révolution » dans notre vision du monde en démontrant que la Terre tourne autour du Soleil. Pourtant, l’astronome polonais est-il réellement le premier à avoir placé le Soleil au centre, plutôt que la Terre? Le Détecteur de rumeurs est remonté aux sources.


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C’est devenu un lieu commun que de dire que, pendant des milliers d’années, il y aurait eu « consensus » pour affirmer que la Terre est au centre de l’Univers, ou qu’elle est immobile, ou qu’elle est plate.

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Des hypothèses variées

Certes, la place de la Terre dans le cosmos embête les humains depuis longtemps. Mais leurs réponses n’ont pas été aussi homogènes qu’on pourrait le croire. Pendant l’Antiquité, les astronomes grecs ont proposé différents modèles, dont certains très créatifs.

Philolaos de Crotone, au Ve siècle avant J.-C., croit ainsi que la Terre est en orbite autour d’un feu central, distinct du Soleil. Ce dernier, de même que les autres astres et une planète appelée Anti-Terre, tournent aussi autour de ce feu. Philolaos est en même temps le premier que l’on connaisse à avoir écrit que la Terre se déplace. Copernic fera d’ailleurs référence à lui dans la préface de son livre Des révolutions des sphères célestes, en 1543.

C’est toutefois le modèle du philosophe grec Aristote, un siècle plus tard, qui est plus connu. Selon lui, la Terre est une sphère parfaite placée au centre de l’Univers. Tous les autres astres décrivent des mouvements circulaires parfaits autour d’elle.

Ce modèle dit  « géocentrique » est populaire dans l’Antiquité. Il faut dire que les arguments sont convaincants. De notre point de vue de Terriens, les astres semblent se déplacer dans le ciel et le sol est stable sous nos pieds. De plus, si la Terre bougeait, raisonne-t-on, on devrait voir la position des étoiles changer d’heure en heure, ce qui n’est pas le cas. On sait aujourd’hui que c’est parce que les étoiles sont beaucoup plus loin que les Grecs ne pouvaient l’imaginer.

Pour l’historien des sciences Kostas Gavroglu, la Grèce de l’époque demeure néanmoins très ouverte aux discussions « contre-intuitives » sur la position de la Terre dans l’Univers. Aristarque de Samos, un siècle après Aristote, propose d’ailleurs que la Terre tourne autour du Soleil. Il arrive à cette conclusion sur la base de ses observations des phases lunaires et des éclipses: la Terre ferait trois fois le diamètre de la Lune, et le Soleil serait 19 fois plus loin que la Lune. Selon lui, le Soleil devrait être au centre parce qu’il est beaucoup plus gros.

Ce modèle semble même avoir été une option plausible pendant plusieurs centaines d’années: on retrouve par exemple dans un manuel daté de l’an 420 une variante de la théorie héliocentrique —le Soleil au centre— proposée par Héraclide du Pont (vers 340 av. J.-C.), pour qui Vénus et Mercure tournent autour du Soleil, mais pas la Terre (il avance toutefois que celle-ci tourne sur elle-même en 24 heures).

Des critiques du modèle géocentrique

Ces anciens modèles géocentriques ne sont toutefois pas sans failles. Par exemple, ils n’expliquent pas le mouvement rétrograde de certaines planètes : lorsqu’on observe leurs trajectoires sur plusieurs mois, elles semblent s’arrêter, revenir sur leurs pas puis reprendre leur trajectoire vers « l’avant ».

Le philosophe et mathématicien grec Ptolémée (100-168) avait proposé un modèle mathématique pour réconcilier le tout. Selon lui, les astres ont une trajectoire hélicoïdale causée par un système de sphères immatérielles et en déplacement. Il imagine aussi un point, près du centre des orbites de ces sphères, appelé l’équant. Il parvient ainsi à prédire le mouvement des planètes.

Bien que le modèle de Ptolémée soit adopté par la majorité jusqu’à l’époque de Copernic, certains astronomes le critiquent, notamment dans le monde arabe. Les membres de l’Observatoire de Maragha de même que l’astronome Ibn-al-Haythan s’interrogent entre autres sur la pertinence de l’équant. Ils corrigent cette erreur grâce à des outils mathématiques semblables à ceux qu’utilisera Copernic. Leurs modèles demeurent toutefois géocentriques. Par contre, l’astronome arabe Ibn al-Shâtir a publié, un siècle et demi avant Copernic, une théorie héliocentrique. On ignore si Copernic avait lu l’ouvrage de ce précurseur.

Enfin, certains philosophes européens du Moyen-âge se sont questionnés sur la place de la Terre dans l’Univers. Par exemple, Nicolas de Cues (1401-1464) s’appuie sur des arguments métaphysiques pour dire qu’il serait logique que la Terre ne soit pas au centre de l’Univers: si celui-ci est infini, il n’y a donc pas de centre, et la Terre peut se déplacer sans que son mouvement ne nous soit apparent. Les historiens le considèrent comme un autre précurseur de Copernic.

Quel est l’apport de Copernic?

Copernic arrive donc à un moment où les problèmes du modèle de Ptolémée sont critiqués depuis un certain temps. Après des années de recherches et de réflexions, Copernic trouve une solution simple d’un point de vue mathématique : mettre le Soleil au centre de l’Univers.

Son modèle a l’avantage de résoudre des phénomènes célestes incompatibles avec le modèle de Ptolémée comme les phases de Vénus ou de Mercure. De plus, Copernic propose que la distance entre le Soleil et la Terre est minuscule en comparaison de celle qui nous sépare des étoiles. Il explique ainsi pourquoi le mouvement de la Terre dans l’espace ne change pas la position des étoiles dans le ciel. Son modèle pose les bases de l’astronomie moderne.

Il subsiste un dernier détail: il imagine que les planètes suivent des orbites parfaitement circulaires autour du Soleil. C’est l’Allemand Johannes Kepler qui écrira, 66 ans plus tard et calculs mathématiques à l’appui, que les orbites ont en fait la forme d’une ellipse. Et c’est Isaac Newton qui, 80 autres années plus tard, expliquera par la gravitation les lois énoncées par Kepler.

 

Photo: Exemplaire imprimé de la première édition de De revolutionibus orbium coelestium (1543).

Texte modifié le 24 septembre pour remplacer "héliocentrique" par "géocentrique" au 9e paragraphe. 

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