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Une croyance populaire veut que de très bonnes amies ou des personnes qui se côtoient régulièrement, voient leurs cycles menstruels se synchroniser. Le Détecteur de rumeurs a vérifié.


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L’origine de la rumeur

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Au début des années 1970, Martha K. McClintock, alors étudiante à l’Université Harvard, observe que plusieurs femmes qui habitent ensemble rapportent avoir leurs menstruations en même temps. Pour valider cette hypothèse, elle recrute 135 étudiantes de 17 à 22 ans vivant en résidence universitaire. À trois reprises pendant l’année scolaire, elle les interroge sur la date de leurs dernières règles et sur les autres femmes qu’elles ont fréquentées.

Lorsqu’elle analyse l’écart entre le début des menstruations des femmes qui étaient des amies proches ou des colocataires, elle observe une augmentation significative de la synchronisation. Ses résultats sont publiés, en 1971, dans la revue scientifique Nature.

Les médias s’emparent rapidement de l’histoire. Et en quelques décennies, la synchronisation des menstruations s’inscrit dans la culture populaire, note en 2015 l’anthropologue américaine Breanne Fahs. Par exemple, le phénomène est mentionné dans des séries télévisées comme Big Bang Theory, Sex and the City ou The Office.

Que disent les études?

Plusieurs scientifiques ont par la suite tenté de reproduire une telle expérience, mais les résultats sont mitigés. Dans une étude effectuée en 1993 pour évaluer la synchronisation de l’ovulation, les chercheurs n’ont obtenu aucun résultat indiquant que le phénomène avait bien lieu.

Un anthropologue américain, H. Clyde Wilson, a effectué une revue critique des recherches réalisées jusqu’en 1992. Il notait que deux études similaires à celle de Martha McClintock avaient confirmé les résultats, alors que quatre autres n’avaient observé aucune synchronisation des menstruations.

Selon Wilson, les chercheurs qui concluent à l’existence de la synchronisation des menstruations font généralement trois erreurs dans leur approche méthodologique.

  1. Ils ne reconnaissent pas que, mathématiquement, les femmes qui ont des cycles de longueurs différentes devraient éventuellement voir l’écart entre le début de leurs cycles se réduire puis s’allonger en alternance.
  2. Ils n’évaluent pas correctement l’écart séparant le premier jour du cycle de chaque participante. En effet, ce calcul est plus complexe qu’il y paraît, puisque l’écart peut varier selon la femme choisie comme point de référence pour la recherche.
  3. Certaines participantes sont exclues en cours d’étude, notamment parce qu’elles ont des cycles irréguliers.

Par conséquent, tout en écrivant que le phénomène n’est pas impossible, Wilson conclut qu’aucune étude ne l’a démontré de façon convaincante.

Cette opinion est aussi partagée par deux autres anthropologues américaines, Amy L. Harris et Virginia Vizthum. Selon elles, les études où les chercheurs ont pris soin de tenir compte de facteurs pouvant influencer les cycles menstruels ont remarqué que ceux-ci ont plutôt tendance à diverger d’une femme à l’autre. Parmi les facteurs considérés, figurent l’activité sexuelle, la présence de stresseurs ou de maladies.

Pour l’anthropologue Beverly Strassmann, dans un texte publié en 1999, l’impression de synchronisation serait due au hasard. La durée moyenne d’un cycle étant d’environ 28 jours, l’écart moyen entre deux cycles est de 7 jours et ne peut aller que jusqu’à 14 jours. Puisque les menstruations durent environ 5 jours, il est donc inévitable que deux cycles finissent par se chevaucher.

Des phéromones en cause?

Breanne Fahs note dans son survol historique que les défenseurs de l’hypothèse de la synchronisation des menstruations croient que l’exposition à des phéromones accélérerait ou retarderait le pic d’hormone lutéinisante (LH), soit celui qui déclenche l’ovulation et qui a donc une influence sur la durée du cycle menstruel.

Dans ce contexte, des expériences au cours desquelles on appliquait la sueur d’une femme sur la lèvre supérieure d’une autre, ont été réalisées pour déterminer si de potentielles phéromones pouvaient réduire l’écart entre les cycles menstruels des participantes. Selon H. Clyde Wilson, qui en parle dans sa revue des études sur le sujet, les résultats positifs ne seraient toutefois pas fiables, en raison de ce qu’il appelle des erreurs statistiques.

Et l’évolution?

Certains partisans de la synchronisation croient que le phénomène pourrait s’expliquer par l’évolution biologique: selon eux, dans un lointain passé, les chances de conception auraient été plus grandes si les menstruations avaient été synchronisées, parce qu'un mâle vivant avec plusieurs femelles aurait détecté leurs phéromones et aurait alors voulu avoir des relations sexuelles avec plusieurs d'entre elles. Au contraire, des cycles non synchronisés rendraient l’homme… confus.

Les anthropologues Amy L. Harris et Virginia Vizthum n’y croient pas: à leurs yeux, une éventuelle synchronisation des menstruations mettrait plutôt les femmes en compétition les unes avec les autres pour un partenaire et l’évolution aurait donc favorisé les femmes qui ne se synchronisent pas. D’autre part, Harris et Vizthum soulignent que le phénomène n’a jamais été démontré chez les primates non humains.

 

Verdict

Il n’existe pas d’études solides démontrant que les femmes qui sont très proches les unes des autres ont des menstruations synchronisées. L’apparence de synchronisation pourrait être simplement due au hasard.

 

Photo: irrmago / Freepik

Texte modifié le 13 juin pour clarifier l'avant-avant-dernier paragraphe 

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