Il existe à présent toute une série de produits qui, regroupés sous l’étiquette « adaptogènes », prétendent réduire le stress ou les dommages causés par le stress. Le Détecteur de rumeurs et l’Organisation pour la science et la société se sont penchés sur la question.
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Faits à retenir
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Les adaptogènes sont présentés comme des substances qui aident le corps à s’adapter au stress
La définition est vague et changeante, tout dépendant du produit dont on parle
Les données proviennent essentiellement d’études sur des animaux
L’origine de la croyance
On doit la première description « scientifique » des adaptogènes aux scientifiques soviétiques, au milieu du 20e siècle. En gros, ce sont des substances qui doivent avoir « une activité non-spécifique », ce qui veut dire qu’elles doivent aider à s’adapter à une large variété de causes de stress. Un adaptogène doit servir à « normaliser », ce qui veut dire qu’il accroît ce qui doit être accru chez une personne et diminue ce qui doit l’être chez une autre. Enfin, un adaptogène ne doit pas être nocif.
Durant la Seconde guerre mondiale, l’Union soviétique s’est intéressée aux recherches qui avaient été faites au sujet des médecines traditionnelles asiatiques, plus particulièrement une vigne ligneuse utilisée par les chasseurs nanaïs natifs de la Russie et de la Chine actuelles. On l’appelle schisandra (Schisandra chinensis). Les Nanaïs l’utilisaient comme tonique, c’est-à-dire une substance qui revigore l’esprit et le corps, et les sous-mariniers et pilotes soviétiques se voyaient approvisionnés en schisandra pour leur donner un « boost », ou pour les calmer.
Les Soviétiques ont passé des décennies à étudier le schisandra et d’autres adaptogènes, résultant en plus de 1500 études, mais la plupart d’entre elles ne sont pas listées dans les grandes bases de données scientifiques que l’on consulte aujourd’hui. Des chercheurs dans ce domaine ont signalé que, selon nos normes modernes, la qualité de ces études soviétiques était insuffisante et les diagnostics utilisés par ces scientifiques étaient quelque peu contestables. Le mot « schizophrénie », par exemple, était souvent surutilisé et mal employé.
Les adaptogènes aujourd’hui
Aujourd’hui, le terme peut désigner aussi bien des plantes, des champignons, que des produits alimentaires.
Leurs défenseurs allèguent qu’ils n’ont aucun effet secondaire, aucun impact négatif sur le sommeil et aucun risque de créer de la dépendance. Certains les décrivent même comme des « vaccins pour s’inoculer contre un stress mineur ».
Des étiquettes, de même que des influenceurs sur les médias sociaux, affirment que les adaptogènes améliorent la mémoire et la vie sexuelle, éliminent la fatigue, stabilisent le niveau de sucre et combattent le cancer.
Une personne cherchant à combattre son stress risque de se faire recommander différentes plantes regroupées sous le terme générique de « ginseng », un mot qui semble être devenu synonyme de « tonique à base de plantes. » Il y a le ginseng chinois (Panax ginseng) et son cousin de nom seulement, le ginseng sibérien (Eleutherococcus senticosus), qui a été découvert lorsqu’on cherchait une alternative moins coûteuse à la racine de ginseng chinoise. Il y a ensuite le ginseng américain, le ginseng péruvien, le ginseng malais, et même le ginseng indien connu sous le nom d’ashwagandha (Withania somnifera), un arbuste à feuilles qui a été recommandé pour traiter la COVID-19 par le gouvernement indien et qui peut causer des avortements.
Les champignons reishi et cordyceps auraient aussi des vertus adaptogènes, tout comme le thé vert, le gingembre et l’ail, ainsi que certaines substances synthétiques comme le bromantan, qui figure comme stimulant sur la liste des substances interdites de l’Agence mondiale antidopage.
Reste que la définition est vague et changeante, tout dépendant du produit dont on parle. Les adaptogènes sont censés être différents des substances qui régulent notre système immunitaires (les immunomodulateurs) ou qui améliorent notre mémoire et notre réflexion (les nootropes). Mais il a été démontré que plusieurs adaptogènes ont une activité immunomodulatrice ou nootropique.
Les études sur les adaptogènes
Les données prometteuses sur les adaptogènes proviennent souvent d’études faites chez des animaux de laboratoire, un premier pas nécessaire, mais insuffisant. Certaines études ont même eu recours à des injections d’adaptogènes dans l’abdomen d’animaux.
Les études chez l’humain, peu nombreuses, sont plutôt décevantes. Elles sont rarement randomisées, ne recrutent que des personnes en bonne santé, et ne précisent pas la dose testée. Les revues des données en la matière concluent souvent que, au mieux, les adaptogènes peuvent aider à combattre le stress et la fatigue et que de plus amples études s’avèrent nécessaires. Dans le pire des cas, rien ne montre qu’ils ont les bienfaits qu’on leur prête. Le nombre de participants aux essais chez l’humain est presque toujours faible; les périodes de traitement et de suivi sont courtes, et on manque de données à long terme et correctement documentées.
Une étude a été publiée l’an dernier sur l'efficacité des adaptogènes chez des patients souffrant de COVID longue. Ceux-ci ont reçu soit un placebo, soit un liquide qui contient de la racine dorée, de la schisandra et du ginseng sibérien. Ce liquide est produit par le Swedish Herbal Institute, qui a financé l’étude, et l’auteur principal de celle-ci est le directeur de la recherche et du développement à l’Institut.
Bien qu’on y affirme que cette étude « démontre » que le produit « peut accroître les performances physiques pendant la COVID longue », les résultats sont en fait décevants. Les symptômes de la COVID longue (fatigue, maux de tête, respiration difficile, perte de l’odorat et du goût, etc.) ont en effet diminué significativement durant la période de suivi de trois semaines… mais il en fut de même pour les participants qui avaient reçu le placébo.
Comme le résumait en 2018 la Dre Rashmi Mullur, dans un reportage réalisé par Vox sur les vendeurs d’adaptogènes, ceux-ci peuvent bien affirmer que ça fonctionne, mais ils ne semblent pas intéressés à « investir beaucoup d’argent » dans une étude, vu le risque qu'elle arrive au résultat qu’il n’y a aucun bénéfice.
Cet article est une adaptation du texte en anglais de Jonathan Jarry, publié sur le site de l’OSS de l’Université McGill.
Photo: Poudre d’ashwagandha / Aaron Levin / Pixabay