
De la crème glacée à la vanille aromatisée au jus de castor ? Le Détecteur de rumeurs a voulu en savoir plus sur cet ingrédient mystérieux et peu appétissant.
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Les origines de la rumeur
En 2011, le chef britannique Jamie Oliver affirmait sur les ondes de l’émission The Late Show with David Letterman que la crème glacée à la vanille contenait un produit provenant des glandes anales du castor, le castoréum. Celui-ci serait utilisé par l’industrie pour remplacer la saveur de vanille dans les produits bon marché, expliquait-il.
La même année, Vani Hari, une blogueuse connue sous le nom Food Babe publiait une vidéo sur YouTube où elle précisait que le castoréum se retrouvait dans la liste d’ingrédients de plusieurs produits disponibles sur les tablettes des épiceries sous l’appellation « arôme naturel ».
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Encore aujourd’hui, cette rumeur circule sur les réseaux sociaux comme en témoignent des vidéos sur TikTok.

Qu’est-ce que le castoréum?
Selon l’encyclopédie Britannica, le castoréum est une sécrétion contenue dans deux sacs situés entre l’anus et les organes génitaux du castor, autant chez le mâle que la femelle. Cette substance jaunâtre possède la consistance du beurre. Les castors la déposent dans la nature pour marquer leur territoire.
Le castoréum a aussi la particularité d’avoir une odeur unique. Dans son livre Fenaroli’s Handbook of Flavor Ingredients, le chimiste américain George Burdock la décrivait en 2010 comme chaude, animale et sucrée. L’odeur du castoréum serait due à la diète végétale du castor, ajoutait en 2018 l’historienne américaine Nadia Berenstein, spécialisée dans l’industrie des arômes. Il contiendrait des composés phénoliques particuliers, confirmait la chimiste américaine Michelle Francl dans un article de 2021 s’intéressant à la chimie alimentaire.
Pour recueillir le castoréum, un trappeur peut prélever les deux sacs lorsqu’il tue l’animal. Ceux-ci peuvent ensuite être séchés au soleil ou au-dessus d’un feu de bois.
Les usages du castoréum
Au début du 20e siècle, le castoréum était utilisé occasionnellement dans les produits de boulangerie, les breuvages, la crème glacée, les bonbons et la gomme à mâcher, précisait Nadia Berenstein. On le retrouvait plus particulièrement dans les aliments à base de vanille, ajoutait George Burdock dans un article publié en 2007.
Dans les années 1960 et 1970, les manufacturiers alimentaires utilisaient de très petites quantités de castoréum (moins de 10 parties par million) pour améliorer les saveurs de vanille, fraise et framboise. Il n’a toutefois jamais été considéré comme de la fausse vanille, poursuivait Nadia Berenstein, mais plutôt comme une façon d’ajouter de la profondeur et de la complexité aux arômes.
Encore aujourd’hui, l’utilisation du castoréum dans les aliments est approuvée par l’Agence américaine des aliments et médicamens (FDA) qui le classe comme un ingrédient « généralement considéré comme sûr ». S’il est présent dans un aliment, son nom ne figure pas nécessairement dans la liste des ingrédients, puisqu’il peut être déclaré comme un arôme naturel.
Le coût du castoréum
Toutefois, ça coûte cher. « Dans l’industrie des saveurs, ça prend des tonnes et des tonnes de matériel et ce n’est pas comme si on pouvait faire pousser des castors dans les champs », remarquait le chimiste des arômes Gary Reineccius dans une entrevue à la radio publique américaine NPR, en 2014. Son collègue Robert J. McGorrin, de l’Université de l’Oregon, confirmait qu’il n’existait pas de sources commerciales de castoréum dans une entrevue avec le magazine Business Insider en 2023.
C’est sans doute la principale raison pour laquelle le castoréum est rarement, sinon jamais utilisé pour la production de masse dans l’industrie des arômes, pouvait-on lire dans The Oxford Companion to Sugar and Sweets publié en 2015. Les chances de tomber sur du castoréum aujourd’hui vont de faibles à nulles, confirmait Gary Reineccius.
Une enquête avait été menée à ce sujet en 2011 par le Vegetarian Resource Group, une association américaine ayant pour mission d’éduquer le public sur le véganisme. En réponse aux préoccupations de ses lecteurs, le groupe avait contacté cinq compagnies qui produisent de la vanille naturelle et artificielle, des extraits de vanille, des concentrés, des distillats, des poudres et des arômes. Toutes avaient affirmé ne pas utiliser de castoréum.
Plus récemment, en 2023, l’entreprise Vahiné, très présente dans le secteur des desserts, disait au média français 20 minutes ne jamais avoir utilisé le castoréum dans ses arômes de vanille.
En comparaison, la vanilline est très peu coûteuse à produire, soulignait en 2017 le professeur en économie de l’agriculture Iain Fraser, ce qui explique qu’on la trouve partout. Ce type de vanille synthétique est fabriqué à partir de l’huile essentielle du clou de girofle ou de la lignine. Ces ingrédients sont ensuite traités chimiquement pour avoir un goût proche de la vanille. Il est aussi possible d’en produire grâce à l’extrait de son de riz.
Enfin, un autre obstacle à l’utilisation du castoréum est qu’il ne peut pas être considéré comme végane ou végétarien, ce qui rendrait plus difficile le marketing des produits qui en contiendraient.
Résultat, le castoréum n’est pas un substitut bon marché, mais plutôt un produit artisanal de luxe, insistait Nadia Berenstein. Les manufacturiers qui l’utilisent ne souhaitent donc pas le cacher, mais plutôt l’identifient clairement.
On retrouve ainsi du castoréum dans le Baverhojt, un schnaps suédois. La distillerie Tamworth Distilling, au New Hampshire, en met également dans son whiskey « Eau de musc ».
Verdict
Même s’il est vrai que le castoréum peut être utilisé dans certains aliments pour approfondir les arômes de vanille, on ne le retrouve dans aucun produit populaire en raison de son prix trop élevé.