Zone industrielle

Dans un contexte de transition climatique, il n’est pas rare d’apercevoir des objectifs de « carboneutralité » dans les plans d’action politique et organisationnelle. En effet, cette approche est de plus en plus visée dans notre société, mais que signifie-t-elle et résout-elle tous les problèmes environnementaux?

 

Par Pénélope Renaud-Blondeau, étudiante au doctorat au LIRIDE.

Être carboneutre, c’est quoi?

Selon la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, la neutralité carbone est une « situation dans laquelle les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère sont entièrement compensées par l’absorption anthropique de ces gaz au cours d’une période donnée » (Gouvernement du Canada, 2021). Être carboneutre signifie donc d’atteindre un équilibre entre les GES émis et ceux retirés de l’atmosphère. On dit alors que les émissions sont « nettes zéro. »

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Schéma Émissions

Le concept a été popularisé par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et repris par plusieurs acteurs de différents niveaux à travers le globe. Ainsi, plusieurs pays, provinces, villes et entreprises s’engagent dans la course vers la carboneutralité. Les plus optimistes, comme la ville de Copenhague et la compagnie Bell, désirent l’atteindre d’ici 2025 alors qu’une grande majorité se laissent jusqu’à 2050 pour y arriver.

Les GES sont des gaz qui retiennent la chaleur dans l’atmosphère terrestre. Ils incluent entre autres le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O).

Comment devenir carboneutre?

Pour devenir carboneutre, une séquence de trois catégories d’interventions est recommandée dans le Plan pour une économie verte du gouvernement du Québec (Gouvernement du Québec, 2020).

Il faut d’abord éviter toutes nouvelles émissions en réduisant les déchets à la source et la consommation d’énergie ou en optimisant l’aménagement du territoire de façon à limiter les besoins en déplacement. Par exemple, si on habite à proximité de son lieu de travail et des services, on ne se déplace pas sur de grosses distances et on privilégie les transports actifs.

On cherchera ensuite à réduire l’intensité des émissions que l’on n’aura pu éviter. C’est à travers le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement du transport collectif que cela sera possible.

La carboneutralité implique finalement de compenser les émissions résiduelles. Une première façon consiste à créer des puits naturels de carbone via la plantation d’arbres et la restauration de forêts, prairies et herbiers marins. Carbone Boréal est un bon exemple d’organisme québécois qui a cet objectif. On peut également se fier aux technologies pour aspirer le carbone de l’air et le transformer (en carburant, en produits chimiques, etc.) ou l’enfouir dans le sol ou dans d’autres infrastructures (le « séquestrer »). Le marché du carbone est une dernière alternative qui permet d’investir dans des projets visant la réduction ou l’absorption des GES.

La compensation des émissions est toutefois débattue parmi les environnementalistes. Certains pointent du doigt le coût élevé des technologies de séquestration et les considèrent comme de la paresse. Effectivement, pourquoi se forcer à émettre moins de GES quand il est possible de les retirer de l’atmosphère? De plus, en achetant des crédits carbones, il est facile de se détacher des enjeux réels associés à notre consommation et de conserver nos habitudes de vie problématiques… en ayant l’impression d’avoir fait une différence. 

Inventaires de GES

Pour devenir carboneutre, il est d’abord essentiel de quantifier ses émissions de GES. En effet, ce n’est qu’une fois les émissions calculées que les mesures les plus appropriées pour les réduire peuvent être identifiées. Plusieurs normes existent pour guider la réalisation de ces inventaires : le Protocole des GES et les normes ISO 14 064 en sont des exemples.

Et après…?

La carboneutralité fait partie des solutions contribuant à la lutte contre les changements climatiques et est donc encouragée. Cependant, mieux vaut la voir comme… un bon début.

En effet, un des défauts du concept est qu’il se limite aux émissions de GES alors que les activités humaines peuvent avoir un impact sur bien d’autres dimensions, telles que les écosystèmes, la santé humaine ou les ressources. De plus, les inventaires de GES se concentrent souvent seulement sur la phase d’utilisation des activités et omettent les phases en aval et en amont, comme celles de la production, de la distribution et de la fin de vie. Ces deux problématiques résultent en un transfert de problème d’un impact à un autre ou d’une étape de cycle de vie à une autre. Par exemple, un véhicule électrique roulant au Québec n’émet pas de GES, mais pour le fabriquer, plusieurs métaux rares sont nécessaires, ce qui a un impact considérable sur la qualité des écosystèmes et sur l’épuisement des ressources minérales.

Inventaire GES

 Ainsi, il est recommandé de se tourner vers une approche plus holistique, soit celle de l’analyse de cycle de vie (ACV). Si elle vous est inconnue, je vous suggère fortement de lire certains des autres articles de notre blog, tel que celui-ci : Mais concrètement, c'est quoi une ACV? 

Bonne lecture!

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