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Les sujets pour ces billets de blogue sont parfois inspirés d’un simple titre que j’ai vu passer dans les fils de nouvelles scientifiques auxquels je suis abonné. Comme celui-ci il y a quelques semaines : « Stanford scientists can control specific brain cells at a distance ». Avec comme sous-titre : « The new technique uses infrared light and a Nobel Prize-winning molecule that helps us feel the burn from chili peppers. » C’est donc de cette façon hi-tech d’influencer le cerveau dont je vais vous parler aujourd’hui. Et ensuite, un peu pour compenser, d’une autre technique qui peut aussi avoir de grands effets sur notre cerveau. Une approche beaucoup plus ancienne et « vintage », pourrait-on dire, qui est tout aussi efficace, sans doute plus agréable, et certainement moins coûteuse…

Au-delà du titre accrocheur sur le « contrôle à distance du cerveau », ce prix Nobel évoqué dans le sous-titre m’a rappelé un autre billet que j’avais écrit à l’occasion de la remise de ce prix il y a un an et demi pour ces travaux concernant nos récepteurs à la température et au toucher. J’y mentionnais cet encadré de mon site web expliquant les effets complexes d’une molécule, la capsaïcine, qui provoque une sensation de brûlure en se fixant sur un récepteur particulier appelé TRPV1, situé sur nos terminaisons nerveuses sensibles à la douleur. D’où la sensation de brûlure quand on mange des piments forts qui en contiennent beaucoup.

Eh bien c’est en réussissant à insérer ce récepteur TRPV1 dans certains neurones du cerveau de la souris, aidé par des nanoparticules qui augmentent la chaleur de la lumière infrarouge (une technique appelée MINDS), que l’on est parvenu à modifier l’activité nerveuse de ces neurones au point d’en voir des effets comportementaux spectaculaires. Par exemple des souris qui se mettent à tourner en rond au lieu d’explorer leur cage dans toutes les directions parce qu’on a appliqué cette technique à un seul de leur deux hémisphères cérébraux, favorisant l’activation motrice d’un côté seulement du corps. Ou alors d’amener des souris à rester très longtemps sous le faisceau de lumière infrarouge parce que les neurones modifiés sont ceux de ses circuits de la récompense !

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Le gros avantage de la lumière infrarouge ici, c’est que contrairement à la lumière visible, elle peut se propager à travers des tissus vivant opaques, comme la peau, le poil et le crâne des souris. Et atteindre ainsi directement les neurones sans nécessiter aucune chirurgie invasive pour descendre une électrode dans le cerveau ou y insérer une fibre optique. Cette dernière permet aussi de stimuler ou d’inhiber de grandes populations de neurones, mais en utilisant différentes longueurs d’onde de lumières visibles avec une techniques complexe mais puissante qu’on appelle l’optogénétique que j’ai déjà présenté ici.

Cette nouvelle technique avec la lumière infrarouge, publiée en mars dernier, va encore plus loin puisque les animaux n’ont absolument rien sur la tête, même pas une petite fibre optique qui leur sort du crâne. Ils peuvent donc vaquer à leurs interactions sociales comme si de rien n’était, ce qui ouvre justement des perspectives pour étudier ce type de comportement grandement perturbé avec les autres techniques plus invasives.

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Comme souvent quand je parle de ces techniques hi-tech et coûteuses, je suis à la fois émerveillé par la créativité scientifique qu’il y a derrière, et un peu mal à l’aise parce qu’il y a en même temps autour de nous des gens qui ne vont pas toujours bien et pour qui ce genre de découverte ne va pas les aider, du moins à court ou moyen terme. C’est là où les hasards du surfing sur le Net font parfois drôlement les choses. Car au bas de la page de l’article qui avait attiré mon attention sur cette nouvelle technique, dans les articles « related » proposés, il y en avait un intitulé : « How a healthy sex life can help minimize depression and anxiety symptoms ».

L’article passait en revue les différents changements cérébraux qui accompagnent une relation sexuelle et leurs effets bénéfiques pour le corps et la santé mentale. En particulier ses effets atténuateurs pour l’anxiété et la dépression. C’est certains que lorsqu’on se retrouve dans ces états d’esprit, faire l’amour n’est pas nécessairement la chose qui nous vient à l’esprit en premier. Mais on devrait alors se souvenir qu’en augmentant par exemple les taux d’oxyde nitrique, de dopamine, de sérotonine, d’adrénaline et d’ocytocine, baiser améliore inévitablement l’humeur et la sensation de bien-être. Nos pensées anxiogènes ou notre sentiment d’impuissance ne seront peut-être pas évacuées d’un coup de baguette magique. Mais elles seront sans doute suffisamment atténuées ou relativisées par les importantes modifications neurohormonales qu’induit le sexe en nous qu’on pourra alors peut-être voir les choses un peu autrement et repartir « sur une autre track ».

Tout ça avec une technique très low-tech, vieille comme le monde, gratuite, mais qui a fait ses preuves, comme on dit. Sinon, on ne serait pas là pour en parler…

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