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Le déclenchement du travail est une pratique obstétricale permettant le commencement de l’accouchement chez une femme enceinte avant son début spontané. Cette procédure permet à la future mère d’accoucher dans les 24 à 48 heures suivant le début du déclenchement. Bien que cette intervention, qui est parfois nécessaire afin de diminuer les risques associés à une grossesse prolongée, soit de plus en plus fréquente depuis les années 1990 au Québec, son processus et l’étendue des risques qu’elle comporte sont généralement peu compris et parfois non expliqués aux femmes qui la vivent. Pourtant, plusieurs facteurs, dont certains de préférences personnelles, entrent en jeu quand vient le moment de prendre une décision éclairée concernant le déroulement de l’accouchement.

Marie est enceinte de 41 semaines de son premier enfant. Son médecin lui prescrit un déclenchement du travail à l’hôpital, puisqu’elle a dépassé d’une semaine le terme normal d’une grossesse, soit 40 semaines. La situation de Marie n’est pas unique ; la provocation du travail a été pratiquée chez 24,9 % des femmes enceintes québécoises, soit chez près de 1 femme sur 4, en 2010-2011[1]. Au Canada, ce taux a doublé en 20 ans, alors qu’il était de 12 % en 1990. Cette intervention peut être recommandée lorsque les risques de poursuivre la grossesse en dépassent les bénéfices. Les grossesses post-terme* sont une des principales indications qui mènent au déclenchement d’un accouchement au Québec[2]. Une étude américaine de 2016 a déterminé que toutes les participantes auraient voulu recevoir davantage d’informations avant de procéder à l’intervention[3]. Entre autres, elles auraient voulu avoir plus de temps pour prendre une décision éclairée, faire leurs propres recherches et avoir l’occasion de rediscuter avec leurs médecins avant de prendre leur décision définitive[4]. De plus, les femmes aimeraient que leurs préférences, valeurs et croyances soient considérées dans le processus décisionnel[5].
 

Dépasser 40 semaines

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L’inverse du déclenchement du travail est d’attendre que l’accouchement se produise spontanément. Toutefois, plus la grossesse avance, plus le placenta, l’organe qui nourrit le bébé, vieillit. Le vieillissement du placenta après 42 semaines de grossesse diminue les apports nutritionnels au bébé, ce qui contribue à l’augmentation de la mortalité périnatale et de la détresse du bébé dans le ventre de la mère[6]. Un des indicateurs du fait que le bébé est en détresse est le relâchement du méconium*. Dans une telle situation, à la naissance, lors de sa première respiration, le bébé peut inhaler du méconium et souffrir de détresse respiratoire. Le déclenchement du travail après 41 semaines de grossesse peut diminuer les risques de mortalité périnatale et de syndrome d’aspiration du méconium[7]. Enfin, une grossesse prolongée augmente les probabilités de macrosomie*, laquelle peut engendrer des difficultés à l’accouchement (comme l’épaule du bébé qui reste coincée dans le bassin de la femme).

Le déclenchement du travail comporte également d’autres avantages. Le risque d’accouchement par césarienne est de 12 % moindre chez les femmes dont le travail a été provoqué comparativement à celles qui n’ont pas eu recours à cette intervention[8]. De plus, les taux d’admission aux soins intensifs néonataux et les complications graves chez les nouveau-nés diminuent dans cette situation[9]. Les recommandations actuelles de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada sont donc de procéder à une provocation de l’accouchement entre 41 et 42 semaines afin d’éviter ces risques, d’une part, et de tirer parti de ces avantages possibles pour la mère et son bébé, de l’autre[10].
 

Vivre le déclenchement 

La compréhension du déroulement de l’intervention est importante quand vient le moment de prendre une décision éclairée au sujet de la provocation de l’accouchement. Comme pour Marie, le déclenchement du travail est fréquemment pratiqué dans une salle d’accouchement. La première étape consiste à déterminer le niveau de préparation du corps de la femme, ce qui se fait par une évaluation du col utérin par un toucher vaginal. Le score de Bishop* permet de déterminer si une intervention médicale est requise pour préparer le col : un score faible indique que des médicaments ou une méthode mécanique pour préparer le col à l’accouchement seront nécessaires[11]. En présence d’un col défavorable (un score de Bishop faible), le risque de césarienne est considérablement plus élevé que chez les femmes connaissant un travail spontané ou ayant un score de niveau supérieur, peu importe qu’elles en soient à leur premier accouchement, comme Marie, ou pas[12]. Cette étape se fait par un tampon médicamenteux ou un comprimé placé dans le vagin, ou par un ballonnet gonflé permettant une maturation du col de l’utérus. Le tampon médicamenteux et le comprimé ont comme avantage une insertion plus facile que le ballonnet, mais ils comportent cependant un risque accru de tachysystolie*[13].Le ballonnet, plus compliqué à insérer et à porter, a aussi son côté pratique : il est posé en centre hospitalier, mais la femme peut ensuite retourner à la maison le temps que le déclenchement se poursuive. Avec l’une ou l’autre de ces méthodes, 6 femmes sur 10 pourront entamer un accouchement vaginal au plus 48 heures après l’intervention (en moyenne 27 heures)[14]. Une fois le col de l’utérus préparé, les contractions peuvent être provoquées par la rupture artificielle des membranes ou l’administration d’ocytocine* par voie intraveineuse.

Un accouchement provoqué ne se déroule pas de la même manière qu’un accouchement spontané : il est normalement plus long, demandant parfois jusqu’à deux fois plus de temps avant que le col atteigne une dilatation* de 6 cm[15]. Si Marie souhaite avoir un accouchement sans épidurale, le déclenchement peut restreindre sa mobilité, puisqu’elle doit porter en permanence un moniteur du cœur fœtal. Cette restriction peut être une source d’inconfort pour elle, puisqu’elle ne peut pas se déplacer dans différentes positions pour soulager sa douleur. Le processus de déclenchement peut ainsi restreindre l’accès des femmes à des méthodes de soulagement de la douleur naturelles, telles que le positionnement, ou l’usage du bain ou d’une douche.
 

Connaître les risques 

Comme toute intervention, le déclenchement du travail comporte certains risques, qui sont à prendre en considération avant de choisir cette mesure. Le déclenchement artificiel des contractions utérines peut mener à des contractions excessives, anormales ou encore trop longues, ce qui peut causer une asphyxie chez le bébé. Dans environ 20 % des cas de provocation, une hémorragie post-partum peut se produire chez la mère, et le nouveau-né peut avoir connu de la détresse durant le travail, souffrir d’une infection ou d’un syndrome de détresse respiratoire[16]. De plus, le déclenchement peut ne pas fonctionner ; dans un tel cas, la mère pourrait avoir à recommencer le processus ou une césarienne pourrait s’imposer.

Une nouvelle méta-analyse a aussi déterminé que de provoquer le travail vers 39 semaines diminuait les risques de césarienne, mais seulement si le col était propice[17]. Dans les prochaines années, le nombre de déclenchements pourrait augmenter si ces données menaient à de nouvelles recommandations. Celles-ci pourraient également tenir compte de la diminution des complications post-partum et néonatales constatée en contexte de déclenchement. Toutefois, de plus en plus de femmes auront besoin d’informations et d’accompagnement dans ce processus.

— Un article d'Émilie Rioux, étudiante au programme de maîtrise en sciences infirmières à l'Université de Montréal

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