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Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir quelle était l’empreinte écologique du produit que vous vouliez acheter ? Ou vous demander si votre produit était suffisamment respectueux de l’environnement ? Je parie que la majorité d’entre vous dira oui ! Maintenant, vous êtes-vous déjà demandé si votre produit était socialement responsable ? C’est-à-dire sans travail des enfants, sans danger pour les travailleurs ou au contraire permet la création d’emplois pour la population locale… Cette fois-ci, il y aura probablement plus de personnes qui diront non malgré le fait que de telles questions méritent une attention équivalente.

L’idée de la prise en compte des aspects sociaux dans les activités humaines a commencé par la définition bien connue du développement durable du rapport Brundtland en 1987. Ce rapport soulignait que l’humanité a la capacité de se développer durablement en s’assurant de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Ces besoins sont alors divisés en trois piliers à concilier l’environnement, le social et l’économie.

Malgré tout, le développement durable est encore généralement assimilé à une idée de réduction des impacts environnementaux. Les aspects sociaux sont souvent négligés, même lors du choix d’un produit durable. D’un point de vue environnemental, l’analyse environnementale du cycle de vie (voir publication précédente) est un outil solide et standardisé permettant d’évaluer plusieurs impacts environnementaux (réchauffement planétaire, appauvrissement de la couche d’ozone, acidification, eutrophisation, etc.) d’un produit en tenant compte l’ensemble du cycle de vie. Ce concept de cycle de vie est ensuite réutilisé pour faire une analyse des coûts du cycle de vie (ACCV) couvrant la partie économique du développement durable. Tandis que pour l’aspect social, l’analyse sociale du cycle de vie (ASCV) gagne petit à petit de l’attention comme étant un outil efficace d’évaluation des impacts sociaux.

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Évaluer l’impact social d’un produit est aussi important que l’impact environnemental

L’intérêt du public vers la prise en compte des impacts sociaux et de la condition éthique d’un produit a débuté en 1997 à partir du mouvement vers un commerce équitable. Ce mouvement veut garantir aux producteurs des pays en développement de meilleures conditions de travail et un juste revenu pour leur travail. Les nombreux problèmes sociaux liés aux conditions de travail sont aujourd’hui connus, entre autres, dans les industries de produits électroniques en Chine, de l’huile de palme en Indonésie, du textile en Inde ou encore minières en Afrique. Cependant, le consommateur n’est pas toujours au fait de ces problématiques !

Pour normaliser l’évaluation, en 2009, le PNUE et la SETAC ont publié des lignes directrices pour la conduite d’une ASCV comprenant une évaluation sur 33 sous-catégories d’impacts. Parmi les sujets concernés, on y retrouve des aspects cruciaux comme les conditions de travail, la santé et la sécurité, la discrimination, l’équité salariale, les avantages sociaux, les opportunités d’emplois… L’outil permet une évaluation des impacts sociaux sur les travailleurs, mais également sur les communautés locales, les consommateurs ou utilisateurs, la société et la chaîne de valeur à travers d’autres indicateurs plus spécifiques à ces parties prenantes.

Figure 1. Système d’évaluation en ASCV - Inspiré des lignes directrices du PNUE, 2009

Malgré le manque de maturité dans la méthode, l’ASCV se démarque des deux autres outils du cycle de vie (l’AECV et l’ACCV) dans le fait qu’elle permette non seulement l’évaluation des impacts sociaux négatifs, mais également positifs d’un produit.

L’un des exemples est la prise en compte des nouveaux emplois créés pour les locaux. Par exemple, un projet de recherche est en cours au LIRIDE sur l’ASCV d’un bâtiment multi étagé. Les résultats préliminaires de l’étude montrent qu’un bâtiment en bois de 8 étages pouvait créer des emplois pour la population locale (voir figure 2). Disons que, pour la phase de production de bois, si un poste de travail de 8 heures était utilisé alors il pourrait créer des emplois pour plus ou moins 20 personnes pendant 3 mois !

Figure 2. Potentiel d'emplois créés en ayant recours au bois (en heures de travail)

L’ASCV sera également utilisée pour évaluer les éventuels impacts sociaux négatifs, comme un risque de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement du bois ou des autres composantes du bâtiment, sachant que dans une économie connectée, ces impacts peuvent avoir lieu n’importe où dans le monde même si le bâtiment sera construit au Québec.

La prochaine étape serait de développer la modélisation ASCV en harmonisation avec le volet environnemental et le volet économique et appliquer le tout à travers l’exemple des constructions multiétages en bois. Cela permettra de mesurer la performance en termes de durabilité en se détachant des pratiques d’écoblanchiment.

 

— Rizal Taufiq Fauzi, candidat au doctorat au LIRIDE (Université de Sherbrooke).

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