
Nous savons qu'en plus de leur cerveau central, les pieuvres possèdent un ganglion nerveux pour chacun de leurs huit bras faisant office de cerveaux rudimentaires. Quel degré de fonctionnalité ces huit cerveaux supplémentaires offrent-ils à la pieuvre ? L'observation d'un mâle de l'espèce Octopus vulgaris apporte peut-être une réponse à cette question.
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Des cicatrices indiquaient qu'après avoir eu trois bras sectionnés, ceux-ci avaient repoussé. L'un d'eux avait même repoussé en deux exemplaires. L'individu se retrouvant avec neuf bras au lieu de huit. Or trois de ces quatre bras étaient utilisés beaucoup moins souvent pour des comportements exploratoires plus à risque. Les biologistes supposent que le mâle en question a conservé en mémoire l'information liée à la douleur du sectionnement des appendices concernés. Ce faisant, les auteurs de l'étude supposent que la pieuvre a conservé en mémoire ces événements dans son cerveau central.
Une autre interprétation est cependant possible sachant que les bras de l'animal disposent d'une certaine autonomie avec leur ganglion nerveux et, comme le rappelle Anne-Sophie Darmaillacq, spécialisée dans l’étude de la mémoire et de l’apprentissage chez les seiches, à l’université de Caen, en France : «Chez les céphalopodes, en revanche, il y a centralisation des ganglions dans une boîte comparable à la boîte crânienne des vertébrés». Ce qui fait que, si cette information s'applique bien aussi à l'espèce Octopus vulgaris, même après le sectionnement des tentacules, tous les ganglions doivent être encore présents chez l'animal. Il s'ensuit que des informations pourraient être conservées en mémoire par ces ganglions pour chacun des bras sectionnés. Non seulement des informations pourraient y être mémorisées, mais, de plus, les apprentissages pourraient sans doute s'y réaliser. Nous savons d'ailleurs que des apprentissages peuvent s'effectuer en ne nécessitant que des structures rudimentaires. Deux études sur les cnidaires que j'avais mentionnées dans un article, il y a trois ans, peuvent nous en convaincre.
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Comme le cerveau du poulpe lui permet lui aussi d'apprendre et de modifier son comportement en conséquence, il se pourrait donc qu'Octopus vulgaris nous offre un exemple d'apprentissage structuré sur deux niveaux neurologiquement bien distincts de sorte que, sur le plan évolutif, le cerveau humain ne serait pas le seul à nous suggérer la possibilité de deux niveaux de traitement de l'information tels que proposé dans l'un de mes articles précédents.
Reste qu'il ne faut pas oublier ici que cette proposition ne repose que sur l'observation d'un seul individu. La recherche doit donc se poursuivre pour que nous puissions en savoir davantage sans pour autant, bien sûr, qu'on se mette à sectionner les tentacules des céphalopodes.