Le 30 novembre 2020, il y a cinq ans, la compagnie Google DeepMind dévoilait la version 2.0 d’un logiciel qui était déjà une célébrité parmi les scientifiques: AlphaFold. Une application d’intelligence artificielle capable de prédire la structure 3D des protéines avec un taux de succès de plus de 90% —quelque chose que la biologie attendait depuis des décennies.
À lire également
Cinq ans plus tard, cette application a beau être virtuellement inconnue du grand public, spécialement si on la compare à ChatGPT et à ses comparses, ce qu’elle a accompli pour la science et la médecine est sans commune mesure avec les « percées » des agents conversationnels des dernières années.
C’est qu’une protéine est une structure étonnamment complexe, souvent comparée à un ruban replié de façon aléatoire. Comme la surproduction ou la sous-production de telle ou telle protéine dans notre corps peut souvent signifier un problème médical, concevoir un médicament est comme de chercher la bonne pièce du casse-tête qui va s’arrimer à la bonne forme de la bonne protéine.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
D’abord apparu en 2018, AlphaFold avait fait son apparition sur le marché avec un taux de succès de 60%. En novembre 2020, la publication des résultats d’une compétition révélait un taux de succès de 92%.
Concrètement, ce que cela veut dire, c’est que la prédiction d’un seul « repliement » de protéine, un travail qui pouvait jadis se mesurer en semaines, pouvait désormais être multiplié par plusieurs milliers. En 2021, la revue Science qualifiait AlphaFold de percée de l’année. En juillet 2022, des chercheurs annonçaient qu’elle était à présent capable de prédire les structures de plus de 200 millions de protéines appartenant à environ un million d’espèces... soit à peu près tout ce qui se trouvait dans les bases de données. Autrement dit, après un demi-siècle de tâtonnements sur les protéines, les scientifiques peuvent désormais prédire la structure d’à peu près n’importe quelle qui se trouve dans la nature.
Deux de ses concepteurs, Dennis Hassabis et John Jumper, ont été deux des trois lauréats du Nobel de chimie en 2024. Et comme quoi l’importance de la percée ne faisait aucun doute, ce fut l’un des rares Nobel de science de l’histoire récente à avoir été décerné en moins de 20 ans.
Pour ajouter à son impact, il y a le fait que Google DeepMind a rapidement rendu public le code informatique, permettant ainsi à n’importe quel chercheur de l’utiliser comme il l’entend, sans avoir à payer une redevance ni demander une autorisation. C’est donc, et de loin, l’application d’IA la plus utilisée pour de la recherche scientifique.
À ce sujet, la revue Nature a profité de ce 5e anniversaire pour faire une compilation des disciplines scientifiques dont des recherches ont cité AlphaFold: outre la catégorie prévisible de la « structure des protéines » et de son analyse, on retrouve entre autres la découverte de médicaments, la « biosynthèse de microbes ou d’enzymes », « l’apprentissage profond » (deep learning) de l’IA appliqué à la « prédiction biomoléculaire », ainsi que les « mécanismes du cancer et l’oncologie de précision ».




