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Pendant que des auteurs et des journalistes planchaient, au World Science Festival de New York, sur des façons innovatrices de raconter la science, les climatologues stagnent désespérément, en manque de clefs pour ouvrir la porte des communications à la sauce du 21e siècle.

Prêcher aux convertis. Et aux autres, déverser des flots de connaissances. Les climatologues ont longtemps commis cette double erreur. Et la commettent encore.

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Ils sont loin d’être les seuls : de nombreux scientifiques, des organismes subventionnaires, même des professionnels de la communication, mesurent encore la communication scientifique comme s'il s'agissait (voir ici) d’un simple problème de « déficit de connaissances » : nous savons. Pas eux. Donc, éduquons-les.

Mais les climatologues sont aux premières loges de l’impasse où conduit ce mythe. Ainsi, la collision frontale entre le Groupe des Nations Unies sur les changements climatiques (le GIEC) et le pseudo-scandale du climategate , en 2009, a cruellement rappelé que si le message d’une crise climatique ne passe pas chez une importante frange de la population, ce n’est pas parce que cette frange est ignorante. C’est parce que la façon de communiquer est mauvaise.

Randy Olson, le « scientifique devenu cinéaste », appelait ça, en avril, le cercle vicieux du nerd :

Le cercle vicieux du nerd : c’est quand une personne trop cérébrale pense que la solution à la communication réside dans le fait d’être encore plus cérébral. Je suis désolé, mais en général, plus vous devenez intello, plus votre audience devient petite.

Le journaliste Andrew Revkin, devenu depuis peu prof d’université, va dans la même direction mais en y ajoutant deux exemples de ce que d’autres scientifiques osent expérimenter :

- la Société royale, la plus ancienne académie scientifique du monde, gère maintenant l’équivalent d’une chaîne de télé sur le web; elle pourrait en profiter pour montrer, en sus des conférences traditionnelles, ces scientifiques capables de transmettre leur savoir... en danses et en chansons ! - la NASA, plateforme d’innovation de la vulgarisation depuis des décennies, gère une division complète consacrée à la « visualisation scientifique » : autrement dit, comment traduire par l’image ce que d’autres n’osent traduire qu’en mots.

Revkin a publié cet article dans la dernière édition du Bulletin de l’Organisation météorologique mondiale, l’organisme de l’ONU qui a été au coeur de la création du GIEC en 1988. Or, le contexte derrière cette commande est le 5e Rapport du GIEC, qui doit paraître en 2013 ou 2014. Ça paraît lointain, mais à en juger par les événements des deux dernières années (la dégringolade des questions climatiques dans les médias et dans le discours des politiciens), le GIEC n’est absolument pas préparé à entreprendre une communication scientifique qui soit adaptée au 21e siècle.

En ces années où l’on parle de « dialogue », de « conversation » et, plus simplement, d’adapter un discours à son public, les climatologues en sont encore, en général, aux bonnes vieilles méthodes du prof : je parle, vous écoutez.

C’est donc ce territoire en friche qu’explorait cette semaine le Word Science Festival (comme le nom ne l’indique pas, c’est un festival newyorkais), en consacrant une journée, jeudi, à l’art des raconteurs d’histoire (The art of storytelling). Incluant des pistes tout ce qu’il y a de classiques —des auteurs et journalistes de l’écrit, dont certains cités dans ces pages depuis des années (Revkin, Carl Zimmer, Simon Singh). Et incluant des pistes pas du tout classiques : c'est ainsi que l’acteur américain Alan Alda enseigne aux scientifiques... les techniques d’improvisation!

Le but n’est pas de transformer les scientifiques en acteurs, mais d’apporter plus d’authenticité, de clarté et de présence personnelle. L’exercice aide les scientifiques à communiquer avec une chaleur et une lucidité qui rendent leur travail plus compréhensible à une audience générale et à des collègues d’autres disciplines.

Le rapport du GIEC raconté sous la forme d’un match d'une ligue d’improvisation? On peut rêver...

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L'image, gagnante d'un concours de visualisation scientifique de la revue Science, représente vos sinus...

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