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Tenter de lier le réchauffement climatique à la tragédie qui frappe la Somalie, c’est parler trop vite. N’empêche que le climat, ou plutôt la météo, a effectivement joué un rôle important. Quelqu’un aurait dû mieux surveiller La Niña.

La Niña, petite soeur d’El Niño, est un phénomène météorologique qui renaît à intervalles irréguliers (mais environ tous les 4 à 5 ans) dans le centre du Pacifique: les eaux, en surface, y sont alors anormalement froides. Ses conséquences sont plus visibles sur le pourtour du Pacifique, avec par exemple davantage de typhons du côté asiatique. Mais ses conséquences se font sentir jusqu’à l’autre bout du monde: moins de pluies que la normale dans l’est de l’Amérique du Sud... et dans l’est de l’Afrique. Là où se trouve la Somalie.

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Il se trouve que l’actuel cycle La Niña a commencé en juin 2010, pour se terminer en mai de cette année. Le fait que la Somalie vive actuellement sa pire sécheresse en 60 ans en serait donc une conséquence directe. La sécheresse qui frappe le Texas cette année (la pire en plus d’un siècle) pourrait aussi être causée, ou du moins avoir été amplifiée, par La Niña.

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation avait sonné l’alarme dès l’hiver dernier. Le climatologue californien Chris Funk expliquait récemment dans Nature (abonnement requis) pourquoi ils étaient plusieurs à penser que «des problèmes approchaient»: le cycle 2010-2011 de La Niña, les températures de l’océan Indien... Il se trouve qu’il fait partie d’un réseau d’alerte créé précisément à cette fin, le Famine Early Warning Systems (FEWS), de l’Agence américaine du développement international.

L’été dernier, notre groupe se rencontrait alors qu’un événement La Niña était prévu. Nous savions qu’un tel événement pourrait amener des problèmes, et nous avons lancé une alerte à l’effet que l’est de l’Afrique pourrait connaître de sévères sécheresses. (...) Le 7 juin, FEWS a émis une seconde alerte qui disait: «il s’agit de la plus grave urgence en sécurité alimentaire dans le monde à l’heure actuelle, et la réponse humanitaire est présentement inadéquate.»

Alors pourquoi ces alarmes n’ont-elles eu aucun effet? Pourquoi se retrouve-t-on dans une situation de famine s’ils étaient plusieurs à la voir venir?

Bien sûr, il y a la guerre civile qui ravage la partie la plus touchée du pays, et qui limite (voire interdit, dans le cas des milices islamistes appelées shebab) l’entrée des groupe humanitaires. Mais, selon Chris Funk, même les agences d’aide internationale n’ont pas vraiment écouté ces alertes, trop habituées de s’appuyer sur des modèles, vieux de quelques années, qui ont sous-estimé les risques de sécheresse ce printemps.

[Les modèles utilisés] n’ont jamais eu pour but de fournir des tendances de précipitations pour chaque région. Ces modèles disent que l’est de l’Afrique deviendra plus humide, mais les observations montrent un recul substantiel des précipitations printanières ces dernières années. Pourtant, plusieurs agences rédigent des plans à long terme en s'appuyant sur des prévisions de conditions plus humides. Ceci pourrait conduire à un développement de l’agriculture et à une expansion dans des régions qui deviendront plus sèches. Davantage de climatologie basée sur des observations régionales pourrait s’avérer utile pour affronter ces défis.

Ajoutez à cela la croissance démographique des dernières années et une agriculture peu productive dans toute cette région dite de la «corne de l’Afrique» (Somalie, mais aussi Ethiopie et Kenya), et vous avez le résultat sous les yeux. Et ce n’est pas fini, écrit-il.

Un déclin de la capacité agricole est exacerbé par le réchauffement de l’océan Indien, qui réduit le flot d’humidité au-dessus des terres pendant la saison des pluies, au printemps, créant des sécheresses plus fréquentes... Une température plus chaude et plus sèche réduit la quantité de terre disponible pour l’agriculture. Des urgences telle que celle-ci deviendront plus courantes, à moins qu’une plus grande attention ne soit dirigée vers l’amélioration de la production agricole.

Ironiquement, le fait que la production agricole soit faible crée une grande opportunité. Une amélioration de 50%, ou même 100%, est faisable, et contribuerait grandement à l’accès à la nourriture. Des marchés mieux intégrés et un meilleur entreposage des semences et de l’eau peuvent contribuer à garder les ressources à la portée de la main pour les temps plus difficiles.

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