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Étant toujours dans la phase de relecture finale de mon livre jusqu’à la fin du printemps, je continue son « journal de bord » en y publiant certains encadrés qui n’ont pu, faute d’espace, trouver leur place dans le bouquin. Celui-ci entretenant déjà des rapports étroits avec le site web Le cerveau à tous les niveaux et son blogue grâce à différents renvois, cette conversion ne fait donc qu’étendre une approche déjà présente depuis le début du projet. Ce premier encadré extrait du chapitre 8 résume les origines du concept d’imagerie mentale et comment un changement de paradigme important a été nécessaire pour mieux comprendre ce phénomène.

La mise en évidence de l’imagerie mentale remonte entre autres aux expériences de Shepard et Metzler au début des années 1970 où les sujets devaient décider si des images d’agencements de cubes en 3D correspondait à un modèle. Les images en question ayant subie des rotations dans l’espace pour compliquer la tâche, on s’est vite aperçu que plus les images avaient été rotationnées, plus le temps de réaction des sujets augmentaient pour faire leur choix, ce qui indiquait qu’ils tournaient les blocs « dans leur tête » pour voir s’ils correspondaient au modèle.

Les résultats de ces expériences dites de « chronométrie mentale » allaient à l’encontre des conceptions dominantes à l’époque où nos représentations mentales devenaient complètement indépendantes des modalités sensorielles d’où elles provenaient. Et la même chose allait aussi être mis en évidence pour le mouvement, c’est-à-dire que nos représentations mentales de l’action produisent des activations cérébrales très semblables à la préparation d’un geste bien réel.

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L’un des premiers indices du potentiel de l’imagerie mentale pour l’entrainement de séquences motrices remonte à une expérience du psychologue australien Alan Richardson faite dans les années 1960. Il avait formé 3 groupes au hasard et les a fait tirer 100 fois au panier de basketball pour évaluer leur performance. Ensuite, il avait demandé à un groupe de pratiquer ses lancers 20 minutes par jour. Au second de ne rien faire du tout. Et au troisième de seulement visualiser des lancers réussis pendant 20 minutes par jour, en prenant soin d’imaginer le poids du ballon, le bruit qu’il fait quand on dribble avant de lancer, etc. Trois semaines plus tard, il a évalué chaque groupe à nouveau en les faisant lancer au panier. Sans surprise, le groupe qui n’avait rien fait ne s’était pas amélioré du tout. Mais étonnamment, celui qui avait fait seulement de la visualisation s’était amélioré presque autant que ceux qui avaient pratiqué 20 minutes par jour ! Il semble donc que la simple activation des réseaux sensorimoteurs en « offline » améliore leur connectivité. Et donc plus tard, quand on fait le geste pour de vrai, la commande motrice sera plus précise et le mouvement plus efficace. Et des travaux plus récents, en plus de confirmer qu’on pouvait bel et bien raffiner nos mouvements sans bouger, ont montré qu’il y a un bénéfice encore plus grand à combiner l’entraînement réel et la visualisation mentale.

Si l’on replace tout ça maintenant dans l’histoire plus générale des sciences cognitives, en particulier dans les années 1990 avec les travaux de Lawrence Barsalou, on peut dire qu’on est passé d’une conception très représentationelle pour expliquer la simulation mentale à une conception plus sensorimotrice. Parce que depuis les années 1960 et jusqu’à la fin du XXe siècle, on disait que nos catégories mentales et nos concepts étaient le fait de représentations symboliques abstraites. Et ces symboles arbitraires comme des mots, une fois appris, ne faisaient plus appel aux régions sensorielles qui étaient vus comme des modules distincts. Pour le dire comme Barsalou, on est passé de représentations « amodales », c’est-à-dire d’activations symboliques de haut niveau dans le cerveau qui sont complètement détachées des aires sensorimotrices, à une vision des choses beaucoup plus « modale » où la moindre simulation mentale active les cortex primaires et secondaires des différentes modalités sensorielles. Et c’est devenu monnaie courante maintenant, après moult expériences en IRMf, de considérer que l’imagerie mentale nécessite l’activation de régions sensorimotrices associées à l’objet simulé mentalement. Imaginer une tasse élève l’activation neuronale des régions prémotrices de la main par exemple, parce qu’une tasse se prend avec la main. Et l’idée du ballon de soccer va être associée à une activation davantage dans les régions motrices associées aux membres inférieurs pour les mêmes raisons évidentes.

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