Les bâtiments devenant de plus en plus efficaces sur le plan énergétique lors de la phase d’utilisation, une attention particulière est alors accordée aux impacts de la phase de construction. En plus de se faire sur le plan technique, le choix des matériaux de construction peut aussi considérer le plan environnemental.
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Par Sylvain Cordier, candidat au doctorat au LIRIDE (Université de Sherbrooke)
En ce sens, le choix d’une structure de bâtiment en bois peut être motivé par ses propriétés environnementales, soit une ressource renouvelable (selon la gestion forestière) séquestrant le carbone du CO2 atmosphérique. Au Québec, l’utilisation du bois à grande échelle se fait dans le secteur résidentiel. Bien que ce ne soit pas encore le cas pour les bâtiments non résidentiels, son utilisation augmente grâce à l’expertise croissante en conception, à la règlementation, au développement de nouveaux produits en bois et à une performance au feu accrue.
Les actions concrètes du gouvernement telles que l'appui financier à la R et D et le développement des programmes de formation, dans le cadre de la Charte du bois, permettent de considérer le bois dans les bâtiments à l’égal des autres matériaux de construction.
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De plus en plus de bâtiments de grande hauteur en bois de structure démontrent la faisabilité technique de ce matériau. Un développement de ces structures à une échelle jamais atteinte auparavant peut engendrer des changements dans la chaine d’approvisionnement des matériaux de construction, dans les flux du bois à travers ses différents marchés et dans les impacts environnementaux associés.
L’analyse des impacts environnementaux du cycle de vie est requise pour dresser le profil de ces changements. Dans ce contexte, un projet de doctorat est entamé au sein du CIRCERB (Chaire Industrielle de Recherche sur la Construction ÉcoResponsable en Bois à l’Université Laval) et du LIRIDE (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Ingénierie Durable et Écoconception à l’Université de Sherbrooke).
Plusieurs questions se posent alors. On peut se demander si la disponibilité forestière pour un nouveau marché, compte tenu de la récolte actuelle pour les autres marchés existants est un enjeu important. Actuellement, entre la récolte totale et la disponibilité forestière annuelles des résineux, il y a environ 7 300 000 m3 de bois rond disponible. Cela représente 4 380 000 m3 de bois d’œuvre, en considérant un rendement optimiste des scieries de 60 %. Pour épuiser le stock disponible, il faudrait construire l’équivalent de 1960 structures de bâtiments par an comme la résidence Brock Commons, un bâtiment en bois massif de 18 étages (dont 2 233 m3 de bois de structure), construit à Vancouver (B.C.). Cela représenterait 29 650 320 m2 construits, soit 20 % des surfaces planchers existantes du parc institutionnel et commercial. C’est une part importante, car la croissance annuelle de ces surfaces planchers varie entre 1 et 2 %.
Résidence Brock Commons | Crédit : Acton Ostry Architects. Flickr
La récolte maximale de bois estimée pour les structures non résidentielles contribue peu à la récolte totale de tous les marchés du résineux. La disponibilité forestière peut sembler suffisante pour répondre à la demande de nouvelles structures non résidentielles. Pour entrevoir cela, il est nécessaire de comprendre l’importance de cette nouvelle demande par rapport aux autres marchés du résineux (comme la construction multifamiliale, les exportations etc.). La figure 1 présente ce travail de compréhension (la largeur des flèches est proportionnelle aux volumes de bois issu de la forêt). Les flux de bois sont suivis depuis la récolte jusqu’à l’accumulation du stock de bois dans les bâtiments non résidentiels. On peut constater que 50% de la récolte de bois rond est transformée en bois d’œuvre et que 50% de ce bois d’œuvre sera exporté par la suite (majoritairement aux États-Unis). Le reste du bois d’œuvre sera utilisé domestiquement. Actuellement, la quantité de bois d’œuvre pour les structures non résidentielles n’est donc pas importante à l’échelle du Québec. Cela signifie également que la génération de ses co-produits de sciage (copeaux, sciures, rabotures et écorces) ne provoque pas encore de grandes perturbations dans les marchés qui les utilisent.
Figure 1 - Diagramme Sankey (m3) des flux du bois (2015) issu de la forêt Québécoise (figure réalisée à partir des données de [1 ;2])
On peut alors se demander si la marge de récolte reste raisonnable selon l’évolution future des demandes de bois. En effet, une analyse temporelle des flux et stocks de bois destinés aux structures non résidentielles permet d’identifier les enjeux liés à l’évolution de la demande additionnelle par rapport à la forêt ou un autre marché.
Autre enjeu, les 4 380 000 m3 de bois d’œuvre peuvent contenir environ 917 610 T de carbone soit l’équivalent de 3 364 570 T CO2. C’est une partie du CO2 qui a été retiré de l’atmosphère par la photosynthèse permettant ainsi la croissance des arbres. L’autre partie séquestrée par les arbres se trouve dans les branches, écorces, racines et copeaux de fabrication. La quantité de CO2 en question est équivalente aux émissions de gaz à effet de serre de la production et de la mise en circulation 33 310 véhicules modernes de taille moyenne (1 600 kg) qui parcourraient 300 000 km avec de l’essence. Ce nombre de véhicules représente un peu moins du quart des nouvelles immatriculations des véhicules automobiles à essence québécois de 2018. De plus, selon la gestion qui sera faite des structures démontées en fin de vie des bâtiments, la durée de stockage du carbone contenu dans les bois d’œuvre pourra être prolongée. Cela grâce à une réutilisation du bois dans d’autres produits.
Dans l’hypothèse où les autres marchés du bois québécois ont une consommation constante, la disponibilité forestière semble suffisante pour répondre à la demande de nouvelles structures non résidentielles. Pour compléter l’analyse, le projet de recherche vise à modéliser des scénarios de consommation du bois et des changements associés au cours du temps [3].
L’utilisation de produits en bois garantit un stockage du carbone atmosphérique pendant un certain temps et laisse la place à la repousse de nouveaux arbres séquestrant du carbone. Dans ce cadre, le projet vise à modéliser le cycle de vie du bois destiné aux nouvelles structures non résidentielles afin de dresser un profil des conséquences environnementales.
[1] Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (2018)
[2] Ressources naturelles Canada (2019)
[3] Cordier, S., Robichaud, F., Blanchet, P., and Amor, B. (2020). "Exploring the regional-scale potential of the use of wood products in non-residential buildings: A building permits-based quantitative approach," BioRes. 15(1), 787-813; https://bioresources.cnr.ncsu.edu/resources/exploring-the-regional-scale-potential-of-the-use-of-wood-products-in-non-residential-buildings-a-building-permits-based-quantitative-approach/