Des imbéciles sans éducation peuvent se trouver dans tous les pays et à toutes les périodes de l’histoire, et ils ne sont pas étrangers aux postes les plus élevés... Dans tout autre parti et dans tout autre pays, un individu peut à l’occasion s’élever au sommet en dépit du fait qu’il est un ignare. Mais dans le parti républicain d’aujourd’hui... l’ignorance et le manque d’éducation sont des qualités, presque des obligations.
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Ah, comme ça a dû être jouissif, que d’écrire ça.
Mais totalement contre-productif. Même si le reste de sa lettre vulgarise très bien pourquoi l’évolution n’est pas une théorie, en terme de communication, c’est zéro.
Les chances que les créationnistes ou les climatosceptiques lisent sa lettre jusqu’au bout se sont effet envolées dès le premier paragraphe, En plus, le gouverneur du Texas, Rick Perry, n’est pas « sans éducation », puisqu’il a décroché en 1972 un diplôme en « science animale » de l’Université Texas A&M.
Bon, il semblerait qu’il n’ait pas eu de bonnes notes, mais il est tout de même allé à l’université. On ne le soulignera donc jamais assez : être créationniste ou climatosceptique n’est pas affaire d’ignorance. C’est plutôt lié
- tantôt à l’idéologie politique; - tantôt à la religion; - tantôt à un désir de se mettre en phase avec le groupe auquel on s’identifie...
... ou ces trois facteurs en même temps.
D’où l’importance, pour le vulgarisateur scientifique et le journaliste scientifique, de dialoguer plutôt que d’attaquer de front. De rechercher un terrain d’entente. J’en ai donné des exemples ici et ici. Il y a deux semaines, une entrevue du magazine Yale Environment 360 insistait là-dessus : la climatogue Katharine Hayhoe, elle aussi du Texas, se risquait à répondre à la question « que diriez-vous au gouverneur Perry pour le pousser à agir sur les changements climatiques? »
Qu’il puisse ou non être convaincu des changements climatiques causés par l’homme, je pense que nous serions d’accord pour investir dans des sources d’énergie renouvelable, que nous avons en abondance ici, au Texas. Il y a une nouvelle ferme d’éoliennes avec 300 nouvelles turbines, et elles sont sur les terres de propriétaires qui pourraient huer les changements climatiques —mais ils le font parce que ça fait du sens, économiquement. Qui ne veut pas avoir d’investissements? Qui ne veut pas de sources d’énergie renouvelables?
Parmi les commentateurs qui ont bondi sur les déclarations « anti-réchauffement » et « anti-évolution » des candidats républicains, quelques-uns ont rappelé un sondage Gallup qui, en 2007, concluait que 44% des Américains ne croyaient « probablement pas » à l’évolution, alors que cette proportion grimpait à 68% chez les républicains. Ce qui tendrait à renforcer le premier des trois facteurs ci-haut, « l’idéologie politique ».
Or, le troisième facteur, l’identification à un groupe, est tout aussi important : si des politiciens sentent le besoin cette année de donner leur opinion sur ces questions scientifiques, sans s’embarrasser de vérifier les faits, c’est parce qu’ils sont conscients que, davantage qu’il y a quatre ans, c’est là ce que « leur » groupe veut entendre. Ils ne s’attendent pas à ce que cela leur rapporte des votes chez leurs adversaires.
Dans une autre enquête, parue le 7 septembre, on apprend que 54% des républicains croient au réchauffement, contre seulement 34% des membres du Tea Party. Mais que les membres du Tea Party sont beaucoup plus nombreux à se qualifier de « très bien informés » et de « ne pas avoir besoin de plus d'informations ».
En termes savants, on appelle ça la cognition culturelle : c’est l’idée suivant laquelle nos croyances sont renforcées par celles du groupe auquel nous appartenons —la famille élargie, le parti politique, peut-être une communauté virtuelle.
Autrement dit, si votre groupe développe des opinions anti-science et anti-establishment, et que vous teniez à continuer à vous identifier à ce groupe, vous allez vous aussi ajuster vos opinions, sans davantage vous soucier des faits, pour les rendre davantage anti-science et anti-establishment. Et de renforcement en renforcement, ça peut se rendre jusqu’aux dérapages qu’on observe en ce moment à droite de la droite. Un discours plus agressif qu’il ne l’a jamais été, où des climatologues ont reçu jusqu’à des menaces de mort.
C’est dans ce contexte que la notion de dialogue est plus importante pour un vulgarisateur. Traiter l’autre d’ignorant peut être jouissif, même utile pour instruire ceux qui pensent comme nous et qui manquaient d’exemples. Mais ça ne fait pas avancer le dossier de l’autre côté de la clôture.
Le seul point positif pour ceux qui tentent de s'en tenir aux faits, est qu’à force d’offrir des déclarations anti-science de plus en plus radicales, les républicains aux États-Unis, la droite en Australie, et peut-être bientôt les conservateurs au Canada, courent le risque de se peinturer dans le coin. Parce que tôt ou tard, la réalité finit par rattraper même ceux qui la nient. Mais ça peut prendre du temps.