Le chercheur plonge ainsi dans la biogéographie la distribution spatiale et temporelle des espèces pour retracer une lutte millénaire, celle que se livrent les arbres. Plus précisément l'épinette noire (picea mariana), très prisée par l'industrie papetière, et son principal adversaire, le sapin baumier (abies balsamea), le plus connu des arbres de Noël.
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Ce stagiaire post-doctoral à la Chaire en aménagement forestier durable de l'université du Québec d'Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et chercheur au CNRS de France veut connaître les facteurs qui déterminent l'origine des îlots de sapins ou d'épinettes.
C'est qu'aux limites du 49e parallèle, en Abitibi, des îlots de sapins fraient avec les épinettes noires. Ce qui est étrange, parce que si l'épinette se développe bien dans les milieux humides (elle a colonisé des zones plus nordiques où l'on trouve de multiples poches d'eau) "ce ne sont pas de bonnes conditions pour le sapin", avance le chercheur. Une explication pourrait sortir tout droit du fond des lacs de la région.
Les lacs parlent
L'observation des limons de l'ancien lac proglaciaire Barlow-Ojibway, livre d'énormes quantité d'informations sur la végétation d'il y a 18 000 ans. "Pins, rouges et gris, bouleaux, épinettes, sapins, peupliers. Lorsque le glacier s'est retiré, il y a 8400 ans, une nouvelle dynamique s'est installée et la végétation s'est modifiée", explique Adam Ali.
Pour recomposer l'histoire postglaciaire de la forêt boréale, les chercheurs n'hésitent donc pas à se mouiller: lac Francis, lac Pas-de-Fond, lac de la Pessière, et bien d'autres. "C'est un peu comme les forages en mer" compare Adam Ali. La profondeur varie entre 3 et 10 mètres. Le prélèvement se fait généralement l'hiver, lorsque le lac offre une plate-forme stable pour les sondes des scientifiques.
La carotte comprend de l'argile, de la tourbe, du limon, du sable, différents sédiments : des macrorestes de plante, du pollen, etc. "Tout ce qui peut présenter de l'intérêt pour reconstruire l'histoire de la végétation." Et déjà, des indices sur la guerre entre le sapin et l'épinette noire ont été remontés du fond du Lac aux cèdres. Les échantillons vieux de 6000 à 7000 ans montrent un accroissement de restes de sapin. Ils témoignent aussi des différents peuplements reliés à l'histoire des feux.
Les feux du passé
Il faut savoir que plus on remonte au Nord, moins les facteurs sont favorables à l'installation du sapin. Moins adapté aux perturbations sévères, il présente des problème de croissance et de maturité lorsque se multiplient les feux de forêts.
Normalement, on observe des îlots de sapins dans la pessière (forêt d'épinettes) au moment où diminue la fréquence des feux. Or, ici, "c'est l'inverse. La mise en place des îlots se produit lorsque j'enregistre les premiers feux, il y a 8000 ans", s'enthousiasme le Dr Ali. Une surprise.
L'explication vient du lac. Des petits intervalles de feux comme cela s'est produit il y a 8000 ans seraient moins dommageables pour les sapins qu'un grand pic de sévérité, comme celui d'il y a 6000 ans qui, lui, "a fait disparaître le sapin", tranche le chercheur.
Une information importante lorsqu'on désire ce qui est soutenu par la Chaire industrielle en aménagement forestier une exploitation intelligente basée sur une approche écosystémique.
Cette découverte, qui doit être encore être confirmée par d'autres prélèvements d'ici l'hiver 2007, fournit aussi des informations sur les changements climatiques. Car la fréquence des feux de forêts est intimement liée aux variations du climat. Climat plus chaud signifie végétation plus sèche. Encore qu'il faille, là aussi, prendre en compte d'autres facteurs comme la topographie et les espèces qui ralentissent la propagation des feux.