Donc, admettons qu’une espèce vivante sur trois doive disparaître au cours des prochains siècles. Si la Terre connaissait une telle catastrophe écologique, quelles en seraient les conséquences? Pouvons-nous même prévoir ces conséquences?

Personne n’était là lorsque les dinosaures sont disparus, mais les fossiles nous apprennent que quelque chose de grave s’est produit. Et ce quelque chose de grave n’est pas le genre de chose dont une planète se remet en un siècle ou deux : « il faut environ cinq millions d’années à la planète pour récupérer après une extinction ».

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Les chercheurs qui ont fait cette évaluation, Norman Myers et Andrew H. Knoll, n’ont pas attendu la publication de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (voir le texte principal). Leur article scientifique consacré aux conséquences de la sixième extinction, « La crise de la biosphère et l’avenir de l’évolution », a été publié en 2001.

Les conséquences sur l’évolution biologique, ils les regroupaient en trois catégories :

- une prolifération de maladies infectueuses et un déclin des grands mammifères - la fin des régions tropicales comme moteur de l’évolution de nouvelles espèces - une perte de la biodiversité s’étendant sur des millions d’années.

Un déséquilibre sans commune mesure

Si une extinction majeure devait se produire, l’humanité survivrait probablement, mais elle serait affectée à un niveau sans commune mesure avec ce qu’elle a connu pendant toute son histoire. Nos lointains descendants, dans plus de 15 000 générations —soit plus de temps qu’il ne s’en est écoulé depuis l’apparition de l’Homo sapiens— vivraient encore avec les conséquences de nos actes.

S’il n’est pas possible de prévoir les tours et détours de l’évolution des espèces, écrivaient en mai 2001 l'environnementaliste Myers et le biologiste Knoll dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, indéniable « sera l’altération du processus évolutif, pour une période difficile à estimer mais qu’on peut sûrement mesurer en millions d’années ».

Avec chaque espèce animale qui disparaît, c’est une série d’autres espèces qui disparaissent à leur tour parce que l’écosystème s’en trouve débalancé, provoquant des soubresauts sur le reste de la chaîne de l’évolution : des espèces voient leur morphologie s’altérer peu à peu pour s’adapter à un environnement changeant, d’autres prolifèrent grâce à un vide qui s’est ouvert, et parmi elles, des espèces invasives surclassent les indigènes.

À ce titre, les grands mammifères sont bien plus vulnérables, parce que moins diversifiés. On ne compte par exemple que deux espèces d’éléphants, et la génétique a révélé qu’elles ne sont pas si distantes. Il ne faudrait pas un bien grand « soubresaut » dans la chaîne de l’évolution pour les voir disparaître en l’espace de quelques siècles. En comparaison, écrivaient Myers et Knoll, « plusieurs espèces d’insectes ont d’immenses capacités à se reproduire et un taux de renouvellement élevé. Ces attributs leur offrent une capacité d’adaptation rapide aux changements environnementaux. »

Plus embarrassant : « ce facteur implique-t-il que les insectes devraient recevoir une plus grande attention des responsables de la conservation ou bien que, dans une perspective de triage, ils devraient figurer plus bas dans nos priorités? Bien que ce soit là une question fondamentale, elle a à peine été posée. »

La 6e extinction est commencée

En 2001, ces auteurs n’étaient pas les premiers à parler d’une « sixième extinction » —référence au fait que la Terre a connu, au cours de son histoire, cinq extinctions de masse, la dernière étant celle celle qui a vu disparaître les dinosaures, ainsi que les trois quarts des espèces vivantes, il y a 65 millions d’années. L’anthropologue Richard E. Leakey avait publié en 1996 un ouvrage intitulé La 6e extinction, centré tout particulièrement sur les conséquences pour le futur de l’humanité (The Sixth Extinction : Patterns of Life and the Future of Humankind, Anchor, 1996). Sa théorie était que le monde tel que nous le connaissoins a été façonné davantage par les extinctions de masse, qui reconfigurent « brutalement » —quelques millions d’années— la biosphère, que par la sélection naturelle.

Depuis, l’idée que nous nous acheminions vers une sixième extinction est passée dans le langage courant, d’un dossier du National Geographic en 1999 jusqu’à un épisode de la télésérie The X-Files. Pour certains auteurs, cette sixième extinction a même lentement commencé il y a 30 000 ans, lorsque les humains ont conduit à l’extinction une partie importante de la faune d’Australie, puis il y a 10 000 ans, lorsque la même chose s’est produite —selon une théorie contestée— à leur arrivée en Amérique.

Aujourd’hui, l’attention est dirigée sur les Tropiques : moteurs de la biodiversité depuis plus de 200 millions d’années, elles sont d’ores et déjà le théâtre de la disparition d’immenses forêts, de précieuses terres humides, d’estuaires et de récifs de coraux, tous des territoires parmi les plus actifs biologiquement. Leur déclin ou leur disparition met chaque fois un frein de plus à l’évolution sur la planète Terre.

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