La listériose est causée par une bactérie, la listeria, dûment connue et identifiée depuis 1926. Mais son retour à l’avant-scène ce mois-ci est un rappel : celui de notre vulnérabilité. Notre société moderne s’est appuyée sur un système d’approvisionnement en nourriture qui doit être rapide, efficace, capable de rejoindre des centaines de millions de personnes à la fois... et rentable. Eh bien aucun système ne peut être efficace à 100%, encore moins celui-là.
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Depuis une semaine, les journaux canadiens bourdonnent d’opinions d’analystes pour qui les mécanismes de surveillance auraient failli à leur tâche. La compagnie Maple Leaf assurait ce jeudi, 28 août, qu’elle est seule responsable. L’Agence canadienne d’inspection des aliments assure que ses nouvelles normes de surveillance, depuis le printemps dernier, ne sont pas en cause —alors que les détracteurs disent que ses inspecteurs consacrent trop de temps à contrôler les contrôleurs de l’usine, plutôt qu’à mener eux-mêmes les contrôles.
Qui a raison, qui a tort? Une enquête le révélera peut-être. Sauf que dans un système où la rentabilité est l’objectif premier, il y a toujours un risque pour qu’un employé, un patron, un concierge, ne soit trop laxiste, un jour ou l’autre. Surtout quand une partie de la surveillance repose sur les épaules de l’entreprise elle-même.
Ça n’arrive pas souvent, mais quand ça arrive, on s’en souvient longtemps. Salmonelle, E. coli, listeria, et quoi d’autre? Vache folle, poulet à la dioxine, et quoi encore?
Certes, au milieu des nombreux reportages alarmistes qui vont continuer dans les jours qui viennent —d’autres décès vont inévitablement s’additionner, en raison des 30 à 70 jours qui constituent la période de « dormance » de la bactérie— il importe de rappeler un fait statistique : parmi tous ceux qui ont avalé une tranche de jambon abritant la bactérie, seule une minorité en sentira les effets, et parmi ceux qui en sentiront les effets, tous n’en mourront pas. Les personnes à risque sont celles dont le système immunitaire est plus faible, c’est-à-dire les personnes âgées et les jeunes enfants. En plus des femmes enceintes.
Autrement dit, un nombre de gens impossible à calculer a peut-être été infecté à la listériose ces dernières semaines et a cru avoir combattu un rhume ou une banale intoxication alimentaire. Si on pouvait connaître tous les chiffres —nombre de gens qui ont acheté un produit contaminé, nombre de gens malades— on se rendrait compte que le pourcentage réel de risque est beaucoup moins élevé que ce que laissent suggérer les reportages.
Mais voilà : ce pourcentage exact est impossible à connaître. Et notre amie la listériose continue de faire les manchettes.
Ça n’arrive pas souvent, mais quand ça arrive, on s’en souvient longtemps.
Pascal Lapointe