La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) n’arrivera jamais à ralentir les changements climatiques à temps. Confrontés à l’urgence, d’éminents scientifiques proposent la géo-ingénierie, une mesure draconienne qui vise à nettoyer de l’atmosphère le dioxyde de carbone (CO2).

Quatre sommités internationales de l’environnement sont venues débattre, jeudi dernier à Montréal, des implications environnementales, éthiques et économiques liées à la géo-ingénierie lors d’un symposium sur les changements climatiques organisé par l’Université McGill.

La géo-ingénierie, aussi appelée ingénierie de l’environnement, combine à la fois la capture et l’enfouissement du CO2 — une source importante du réchauffement climatique — et la redirection dans l’espace du rayonnement solaire.

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« Certains soutiennent toujours que le réchauffement climatique est un phénomène naturel », lance d’entrée de jeu le professeur David Keith, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’énergie et l’environnement à l’Université de Calgary. « C’est vrai, soutient-il, à la différence que la pollution humaine l’a accéléré 100 000 fois plus rapidement. »

Selon lui, la solution consiste à créer artificiellement des nuages composés de sulfure de soufre. Ils formeraient une couche opaque pour repousser le rayonnement solaire comme le font les nuages formés après une éruption volcanique.

Par leur composition chimique, ces nuages pourraient également absorber les particules de CO2 et répartir les précipitations sur la planète, notamment dans les océans. Non seulement cette solution freinerait rapidement le réchauffement planétaire, mais provoquerait en même temps un refroidissement. C’est l’une des meilleures solutions à déployer à court terme, conclut le professeur Keith. Même s’il considère nécessaire d’utiliser d’autres moyens plus sûrs, comme l’énergie solaire et l’électricité.

Attention, rétorque le panéliste Allan Robock, professeur de climatologie au département de sciences environnementales de l’Université Rutgers, dans le New Jersey. « Avec une telle mesure, quel pays aura bien en main le thermostat terrestre? avance-t-il. Les éruptions volcaniques sont habituellement suivies de sécheresses, de rareté de la lumière et des changements notables de la biosphère. Que connaît-on des impacts potentiels de la géo-ingénierie? »

La question est cruciale, même s’il est d’avis que la géo-ingénierie est une avenue prometteuse. Cruciale puisque tout le monde l’ignore, admettent les panélistes.

Phil Rasch, expert de la modélisation climatique au laboratoire Pacifique Northwest, dans l’état de Washington, soutient que la géo-ingénierie reste encore une application « théorique », basée sur des modèles scientifiques. Des tests en laboratoire ou sur le terrain sont nécessaires avant de se lancer dans une telle aventure, déclare-t-il.

Une opinion partagée par l’historien américain de la science et de la technologie, James Fleming du Collège Colby dans le Maine. L’idée n’est pas nouvelle. Il rappelle les solutions avancées dans les années 1947, quand les Américains voulaient détourner artificiellement les ouragans plus loin dans l’Atlantique. Ultimement, qui seront les responsables des impacts causés ailleurs sur la Terre? demande-t-il. Un débat de société s’impose, de même qu’une coordination internationale sur l’implication de la géo-ingénierie.

Parlant de l'Histoire, David Keith rappelle que dans l’urgence, les actions rapides et concertées sont autant nécessaires qu’efficaces. Il donne l’exemple de la lutte contre les pluies acides menée dans les années 1980 et, plus récemment, l’intervention pour sauver la couche d’ozone. Les résultats ont été très positifs, selon lui. « C’est le temps d’agir, la situation est trop grave pour ne rien faire. »

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