Alors que ces problèmes hantent depuis des années les pages des revues scientifiques, le journaliste Carl Zimmer vient d’élargir leur audience dans l’édition du 17 avril du New York Times . La rétractation des articles scientifiques —des recherches qu’une revue a décidé de retirer de ses archives parce qu’on a détecté une erreur ou, pire, une fraude— est le symptôme le plus visible: la vigilance des internautes aidant, les erreurs sont désormais détectées beaucoup plus vite.
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Il existe même un blogue exclusivement dévolu au suivi des recherches retirées, Retraction Watch . Ses deux auteurs, Ivan Oransky et Adam Marcus, ont publié parallèlement une lettre dans le Boston Globe :
Les journaux [scientifiques] retirent plus de 10 fois plus d’articles chaque année qu’ils ne le faisaient il y a une décennie, bien qu’ils ne publient que 50% plus d’études qu’avant.
Mais la «rétractation» n’est qu’un symptôme d’un problème plus profond. Parce que si certaines de ces erreurs ont été commises de bonne foi, d’autres sont la conséquence d’une évolution malsaine: course à la subvention, compétition pour être le premier, avec les risques de tourner les coins ronds.
Le mois dernier, deux éditeurs, des revues Infection and Immunity et mBio, Ferric C. Fang et Arturo Casadevall, s’en expliquaient en éditorial :
Les incitatifs propres au système actuel placent les scientifiques sous une énorme pression, découragent la coopération, encouragent de mauvaises pratiques et éloignent de nouveaux talents. Il est temps d’avoir une discussion sur la façon dont l’institution scientifique peut être réformée pour devenir plus efficace et plus robuste. Une réforme sérieuse nécessitera une rigueur méthodologique plus consistante et une transformation du modèle scientifique hypercompétitif actuel.
Pour Infection and Immunity, cet éditorial marquait la fin d’une histoire commencée un an et demi plus tôt, lorsque des soupçons avaient commencé à tourner autour de six articles publiés dans ce journal par un chercheur japonais. Depuis, d’autres journaux ont retiré beaucoup d’autres articles du même chercheur: selon Retraction Watch, on en est maintenant à 30.
Il faut rappeler que depuis plus d’un siècle, le processus par lequel une information scientifique est validée, a eu de gros avantages: ont été relégués aux marges les théoriciens du complot et les inventeurs de machines à mouvement perpétuel. Toutefois, ce qui a changé dans les 20 dernières années, en particulier dans les sciences de la vie, ce sont ces pressions décrites dans l’éditorial: le chercheur doit produire davantage, plus vite, et avec davantage d’impact. Fang et Casadevall ont d’ailleurs mesuré une corrélation entre le «facteur d’impact» d’une revue scientifique et la hausse du taux de rétractations entre 2001 et 2010.
Mince consolation, l’arrivée d’Internet a permis à davantage de chercheurs d’avoir accès aux mauvaises recherches, ce qui permet de détecter les dérapages plus vite.
Des solutions? Elles sont connues, mais elles nécessiteront un changement de culture: que les qualités du jeune scientifique ne soient plus uniquement mesurées par le nombre de publications, que l’université suive moins les lois de l’économie entrepreneuriale où «le gagnant ramasse tout», que le culte de la vedette soit renvoyé aux artistes et aux sportifs et que la science jette davantage de ponts vers le grand public... Des détails.