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Quand on se compare, on se console : les écoles primaires belges peuvent avoir, elles aussi, la science triste. Pourtant, les bonnes idées ne manquent pas. Sabine Daro, présidente de l’association HYPOThèse, en a plein la tête.

Son constat fait écho à celui des spécialistes d’ici : un manque de réflexion sur l’apprentissage des sciences et le jeune enfant rend l’arrimage douloureux sur le terrain de l’école. « Dès qu’il s’agit d’aborder les sciences, certains enseignants du primaire ont peur de se lancer. Et quand ils le font, ils ont tendance à s’accrocher à des recettes simplistes et directives qui ne disent rien de la véritable démarche scientifique », dit-elle.

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La bonne nouvelle? En Belgique comme au Québec, les initiatives pour renverser la vapeur se multiplient. Alors qu’à Montréal, le projet Éclairs de sciences mise sur le concept de « découverte active » des sciences et technologies pour donner un coup de pouce aux profs, l’association wallonne HYPOThèse place « l’éveil scientifique » au cœur de sa démarche. Des approches sœurs qui, à quelques milliers de kilomètres de distance, font de l’accompagnement scientifique des enseignants la clé du changement.

Science sans sens

« On entend souvent déplorer le manque de ressources pédagogiques en science, explique Sabine Daro. Le problème n’est pas tant leur nombre que leur qualité, car Internet fourmille de fiches d’expériences que l’on peut suivre comme de simples recettes de cuisine. »

Et le problème est bien là : « Pour une majorité d’enseignants, faire de la science équivaut à faire des expériences en suivant, de préférence, une recette qui marche. C’est un non-sens. Les expériences ne sont pertinentes que si on est en recherche active de quelque chose. »

Pour Sabine Daro, rester dans l’illustration des phénomènes n’avance à rien, ni pour le prof, ni pour l’élève. « Quand les professeurs sont les spectateurs passifs des lois physiques, ils passent complètement à côté de ce qui est fondamental, c’est-à-dire ce qui se passe en amont de l’expérience », explique cette ancienne professeure de biologie qui a choisi de se tourner vers la formation des maîtres.

Accompagne-moi

Les formations que l’association HYPOThèse propose aux enseignants dans le cadre de leur formation continue s’appuient sur quelques principes ultraconcrets qui ont démontré leur efficacité. Par exemple, toujours lier les notions scientifiques à leur utilité dans « la vraie vie », encourager les enseignants à créer avec leurs élèves leurs propres protocoles d’expérience, ou encore prendre la pensée spontanée de l’enfant comme point de départ du processus d’apprentissage – quitte à le laisser vérifier ensuite si ses intuitions étaient justes.

« Les grandes journées où l’on réunit mille profs dans une grande salle pour faire des démonstrations de science amusante ne servent absolument à rien, poursuit-elle. Ce n’est pas mauvais en soi de montrer des mises en scène rigolotes comme point de départ, c’est une bonne accroche, mais il faut aussi défendre l’idée que la science, c’est extrêmement exigeant. »

En bref : le ludique n’est pas la réponse à tout. Pas plus que les grandes théories abstraites.

« Quand ils assistent à des formations, les futurs enseignants ne veulent pas non plus entendre des didacticiens déconnectés du terrain leur servir des principes théoriques difficilement applicables. Ils veulent s’enrichir auprès de professionnels qui ont encore un pied dans la réalité », assure-t-elle.

Le bon mélange

Ça tombe bien : Sabine Daro et ses complices d’HYPOThèse ont les deux pieds dedans. L’association, formée il y a 10 ans par une poignée de profs, s’est adjoint des spécialistes de la pédagogie et des scientifiques dans le but de redonner, ensemble, le goût des sciences aux profs. L’objectif final : favoriser la réussite des élèves. Leurs outils : des formations ciblées, des outils didactiques, et des partenariats avec des bibliothèques et des musées à vocation scientifique et technologique.

« Mélanger au sein d’un même organisme des profils scientifiques et pédagogiques est tout à fait inédit ici. Il s’agit d’un bon mixte pour faire comprendre aux profs les tenants et aboutissants de la démarche scientifique. »

Un des messages à faire passer concerne par exemple la notion d’échec et son importance dans la démarche : la science, c’est aussi – et surtout – quand ça ne fonctionne pas. « Assimiler cela est tout sauf rassurant, et c’est parfaitement légitime : on ne peut se permettre d’avoir un certain recul du sujet que quand on a une maîtrise des contenus. »

L’expérience parle

Si partir à l’aventure devant une trentaine d’enfants n’est pas tentant pour des enseignants novices, la chose devient plus facile quand on est accompagné par des plus expérimentés que soi. Et comme l’association HYPOThèse, depuis sa création, contribue à former de plus en plus d’enseignants dans la région de Liège, ces derniers deviennent à leur tour ceux qui forment la relève.

« Les enseignants qui nous sont fidèles depuis plusieurs années sont de plus en plus confiants et certains deviennent même de véritables experts qui nous dépassent, grâce à leur travail quotidien avec les enfants. Ainsi, on s’achemine de plus en plus vers un partenariat entre pairs où les jeunes se forment au contact des plus anciens. »

Un glissement vers les communautés d’apprentissage qui profite à la fois aux enseignants et à l’association. « Quand nous développons une nouvelle thématique pour un atelier ou une brochure pédagogique, nous incluons dans la démarche ce premier noyau d’enseignants experts. Ensuite, nous validons les concepts auprès d’un groupe d’enseignants moins à l’aise en science, et ainsi de suite. Cela contribue aussi à rendre notre public plus réceptif. »

Tricoter des liens à long terme entre des enseignants, impliquer des institutions culturelles locales, comme des bibliothèques de quartier, mettre à contribution des scientifiques pour accompagner efficacement les professionnels de l’éducation… Une inspirante vision pédagogique du « Penser globalement, agir localement » à la sauce wallonne.

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