naturepressgroup.jpg

«Problèmes significatifs d’originalité». C’est un des plus beaux euphémismes pour «plagiat» qu’Ivan Oransky ait jamais rencontré.

 

Ivan Oransky est le co-fondateur d’un blogue qui ne fera jamais courir les foules, mais qui, en moins de trois ans, est déjà parvenu à faire trembler certains éditeurs de revues scientifiques : Retraction Watch, un blogue uniquement voué à recenser les recherches qu’une revue a retiré de ses archives —des rétractations d’articles— parce qu’on s’est aperçu qu’une erreur de bonne foi s’était glissée dans les résultats. Ou à cause, aussi, d’erreurs de moins bonne foi.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Ce journaliste médical américain qui, dans son autre vie, travaille dans la division santé de l’agence de presse internationale Reuters, était le conférencier d’ouverture de la deuxième journée du congrès international sur l’intégrité en recherche, qui avait lieu du 6 au 8 mai à Montréal.

«Les revues échouaient à alerter le lecteur naïf», raconte-t-il en expliquant pourquoi son collègue Adam Marcus et lui ont fondé Retraction Watch. «31,8% des articles rétractés n’étaient pas signalés du tout.»

Les éditeurs «commencent à nous remarquer», note-t-il —d’autant que d’autres blogueurs se sont ajoutés à la liste des «surveillants». Et le fait de se sentir surveillé a du bon: la semaine dernière, l’éditeur Nature Publishing Group, qui publie la prestigieuse revue Nature et plusieurs dizaines d’autres, a lancé de nouvelles règles visant à «accroître la transparence et la reproductibilité» des recherches publiées.

Et en novembre dernier, la Société américaine de biochimie et de biologie moléculaire, annonçait pour ses revues l’embauche d’un gestionnaire de l’éthique des publications —genre de chien de garde voué à empêcher les conflits d’intérêt, coins tournés un peu rond et autres accrocs à l’éthique.

Veronique Kerner, représentante de Nature, était sur le même panel d’ouverture qu’Oransky. Et là où le journaliste avait fait rire l’auditoire avec ses anecdotes, la directrice américaine de cet éditeur britannique marchait sur des oeufs: lorsqu’un avis de rétractation est publié, tient-elle à souligner, «il ne doit pas stigmatiser l’auteur. Les rétractations ne devraient pas être automatiquement associées à de l’inconduite.»

Ce qui est exact: une erreur conduisant à une rétractation d'article peut tout à fait être une erreur de bonne foi. Mais le choc est rude, lorsqu’une vedette comme le psychologue néerlandais Diederik Stapel (aujourd’hui ex-psychologue) se fait prendre la main dans le sac —25 articles avec des données «manipulées», 30 inventées, au moins 10 frauduleuses, et d’autres enquêtes en cours. Ou lorsqu’une étude statistique révèle que la majorité des articles retirés l’ont été pour des raisons «d’inconduite».

Ces dernières années, de telles études statistiques se sont faites plus fréquentes —ce qui explique l’existence du congrès international (World Conference on Research Integrity) qui en était à sa troisième édition.

Au menu: le rôle des organismes subventionnaires dans le renforcement des règles; comment la fraude affecte-t-elle la confiance du public envers la science; l’enseignement de l’éthique aux étudiants; et ainsi de suite.

Le bon côté des choses, ont dit plusieurs congressistes, c’est que la croissance du nombre de rétractations d’articles ces dernières années n’est pas tant le résultat d’une hausse fulgurante du nombre de scientifiques malhonnêtes, que le fait que les revues sont sous une surveillance plus étroite. Des auteurs influents pointent aussi plus souvent du doigt les appels à une réforme de la façon dont se construit et se communique la science, comme l’ont écrit en éditorial, en mars 2012, les éditeurs Ferric C. Fang et Arturo Casadevall: un appel, par exemple, à un accès libre et gratuit à l’ensemble des données, et à freiner à l’intense compétition qui explique en partie les dérapages :

Il est temps d’avoir une discussion sur la façon dont l’institution scientifique peut être réformée pour devenir plus efficace et plus robuste. Une réforme sérieuse nécessitera une rigueur méthodologique plus consistante et une transformation du modèle scientifique hypercompétitif actuel.

 

Le vent tourne-t-il? Oransky se rappelle avec amusement la réaction du rédacteur en chef L. Henry Edmunds, des Annals of Thoracic Surgery, lorsqu’il lui avait demandé pourquoi une étude de 2004 venait d’être retirée. «Ce n’est pas de vos affaires.» (None of your damn business)

Une réponse qui, bien sûr, a été publiée sur le blogue.

Je donne