Un enfant de trois ans, mort en Sibérie il y a 24 000 ans, dont la famille pourrait être l’ancêtre des Amérindiens... mais qui porte en lui une lignée ancestrale européenne. Un Dénisovien qui porte en lui une lignée génétique inconnue. Et un virus du Néandertal en nous.
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La course Europe-Asie-Amérique
Les cartes géographiques illustrant les déplacements de nos ancêtres Homo Sapiens contiennent généralement une flèche qui, partie d’Afrique il y a 100 000 ans, traverse le Moyen-Orient, l’Inde et la Chine puis, par la Sibérie et l’Alaska, entre en Amérique il y a 12 à 20 000 ans. Si la génétique a récemment renforcé l’hypothèse voulant que les Amérindiens tirent leurs origines de groupes venus de Sibérie, il n’en demeure pas moins que plusieurs questions restent en plan: d’où venaient ces groupes? Quand sont-ils arrivés en Sibérie? Et ont-ils laissé une descendance là-bas?
Le garçon de 24 000 ans, de même qu’un second fossile de 17 000 ans, obligeront l’ajout d’une nouvelle flèche : selon la recherche publiée dans Nature le 20 novembre et dirigée par le paléogénéticien Eske Willerslev, du Musée d’histoire naturelle de Copenhague, un groupe d’Homo sapiens est d’abord passé par l’Europe il y a 40 000 ans, où il a laissé une descendance, puis certains d'entre eux ont progressé vers l’Est jusqu’à ce qu’ils rejoignent, en pleine ère glaciaire il y a 15 000 ans, un autre groupe d’Homo sapiens déjà arrivé en Asie. Formant ainsi un groupe «hybride» dont une partie aurait colonisé les Amériques.
Au passage, ce garçon est le plus ancien humain (excluant une poignée de Néandertaliens) à avoir eu son génome décodé. Mais peut-être pas le dernier, ce qui laisse présager d’autres surprises.
Le mystère du Dénisovien
De fait, les allers et retours entre les populations humaines ou même pré-humaines sont au coeur de la deuxième étude. L’auteur principal, l’Américain David Reich, a soutenu lors d’un congrès sur «l’ADN ancien» tenu la semaine dernière, avoir identifié des fragments d’ADN jusqu’ici inconnus dans le génome du Dénisovien, une lignée humaine dont on ne connaît encore que peu de choses.
Le Dénisovien est un cas à lui tout seul: depuis 2010, on ne connaît son génome que grâce à deux dents et un doigt, vieux d’environ 40 000 ans et trouvés dans une caverne située non loin de la Mongolie. Mais son génome s’est révélé si différent de ses deux cousins de l’époque —l’Homo sapiens et le Néandertalien— que les paléogénéticiens se sont empressés d’en faire une «lignée distincte».
Ces fragments jusqu’ici inconnus pourraient être les restes d’une sous-espèce encore non-identifiée ou, plus simplement, les restes de groupes plus anciens, comme l’Homo erectus, connus par leurs ossements mais trop anciens pour qu’on ait pu jusqu’ici décoder leurs génomes.
Un virus néandertalien
Quant à la troisième étude, parue le 18 novembre dans la revue Current Biology , elle ouvre la porte sur une portion inédite du passé. En 2012, une équipe du Collège de médecine Albert Einstein, à New York, avait identifié des séquences génétiques de virus au milieu des génomes d’un Néandertalien et de cet unique Dénisovien. Or, voilà que la moitié de ces séquences génétiques (7 sur 14) ont été également identifiées chez certains d’entre nous.
Il s’agit plus précisément de rétrovirus, ceux qui ne se contentent pas d’envahir nos cellules, mais s’insèrent dans notre ADN. Selon le New Scientist, ce type de séquence génétique formerait jusqu’à 8% du génome humain et a parfois été confondu avec «l’ADN-poubelle» parce qu’elle ne semble pas contribuer au bon (ou au mauvais) fonctionnement de notre organisme.
L’équipe de Robert Belshaw et Gkikas Magiorkinis, des universités britanniques de Plymouth et d’Oxford, émet comme hypothèse que ces rétrovirus ont probablement infecté nos ancêtres il y a un demi-million d’années, soit avant la division qui a conduit à la lignée des Néandertaliens et des Dénisoviens.