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L’idée maintes fois répétée selon laquelle nous utiliserions les ressources «d’une Terre et demie» repose sur une glace mince. Le problème est qu’on s’y fie tellement qu’on pourrait avoir négligé des mesures plus utiles pour combattre la sur-utilisation de certaines ressources.

L’origine de cette « Terre et demie » : un livre publié en 1996, Our Ecologial Footprint — notre empreinte écologique — par l’écologiste William Rees, de l’Université de Colombie-Britannique et son étudiant Mathis Wackernagel. Les droits d’auteur appartiennent à présent à Global Footprint Network, un organisme à but non lucratif co-fondé par Wackernagel. Cet organisme fait chaque année la promotion du « jour du dépassement » (Earth Overshoot Day). Soit le jour où l’humanité « a épuisé le budget de la nature pour l’année ». En 2013, c’était le 20 août.

Mais le calcul est douteux, critiquent six chercheurs, dont quatre sont attachés à deux autres organismes à but non lucratif, d’allégeance pro-environnementale. Dans un texte publié par la revue PLoS Biology , ils commencent en s’attaquant à l’agriculture : dans le calcul de 1996, Wackernagel et Rees réglaient rapidement le cas des terres arables en concluant que demande et capacité étaient en équilibre. Or, comme ils ne mesuraient que la surface utilisée, ils ne pouvaient qu’arriver à un équilibre. Aujourd’hui, un tel calcul tiendrait plutôt compte de facteurs externes à l’agriculture, tels que l’érosion des sols utilisés pendant les années précédentes ou la quantité d’eau employée dans une région donnée.

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Les six critiques, dont Linus Blomqvist de l’Institut Breakthrough et Peter Kareiva de Nature Conservancy, attribuent une meilleure note aux calculs relatifs aux pêches et aux forêts, mais semblent perplexes quant au calcul de l’empreinte carbone. Sur les 18 milliards d’hectares qui sont les équivalents des « dépenses » annuelles de l’humanité, 8 milliards représentent, dans le calcul de 1996, une approximation des terres qui seraient nécessaires pour absorber tout le surplus de carbone que nous déversons dans l’atmosphère. Et puisque nous émettons plus de gaz à effet de serre que les surfaces ne peuvent en absorber, il y a donc déséquilibre.

Le résultat, c’est que cette « empreinte écologique » qui donnerait « une Terre et demie », s’appuie en bonne partie sur les surplus de carbone. Un élément important de l’équation, admettent Blomqvist et ses collègues, mais certainement pas toute l’équation :

Au-delà des surplus de carbone, l’empreinte écologique est une piètre représentation de la façon dont nous gérons la planète, parce qu’un vaste spectre d’études indique que les dommages aux écosystèmes terrestres sont déjà significatifs, incluant un déclin de la fertilité des sols, une raréfaction de l’eau potable, un assèchement des nappes phréatiques, des zones de pêche vidées et une perte d’histoire évolutive à travers l’extinction de populations d’espèces.

Pour en arriver à des calculs qui soient non seulement valides, mais qui puissent avoir une utilité politique, il faudrait entre autres, concluent-ils, s’en tenir à des indicateurs « identifiables et quantifiables », comme ceux, proposés ici et , qui tournent autour de la « valeur économique » de tel et tel écosystème. Il faudrait aussi que ces calculs tiennent compte de la diversité régionale, plutôt que de prétendre assigner une valeur globale à la planète. Et il faudrait se garder d’une seule mesure qui donnerait l’impression d’une certitude, alors que dans cette question de la sur-utilisation des ressources, l’incertitude — c’est-à-dire l’écart entre les scénarios optimistes et pessimistes — fait justement partie du problème.

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