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Pendant des années, les États-Unis et le Canada ont justifié leur refus de s’engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) par l’absence de la Chine de ces négociations internationales. L’accord-surprise annoncé cette semaine entre les États-Unis et la Chine va obliger à repenser toute cette trame narrative.

«A game changer», a écrit avec enthousiasme le blogueur américain Joe Romm, d’ordinaire un des plus virulents critiques des politiques américaines sur le climat (une expression également employée par le magazine de gauche Mother Jones ). C’est qu’avec ces deux pays, on a affaire aux deux plus gros pollueurs de la planète. En ajoutant à leur entente l’engagement de l’Union européenne, annoncé en octobre, de réduire ses émissions de 40% sous leurs niveaux de 1990 (d’ici 2030), c’est du coup la moitié des émissions de CO2 mondiales qui sont concernées —de quoi mettre sérieusement de la pression sur les plus récalcitrants de l’autre moitié, le Canada et l’Australie.

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L’annonce, qui serait le résultat de négociations discrètes de neuf mois, a été faite conjointement par les présidents américain Barack Obama et chinois Xi Jinping le 12 novembre, à Beijing.

Depuis mercredi, les plus optimistes ont été prompts à envisager déjà une entente internationale en novembre 2015, lors de la conférence sur le climat de Paris, celle censée accoucher d’un successeur au traité de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre. Plus prudent, le journaliste James Fallows y est allé d’une formule choisie: «cette nouvelle ne signifie pas que les négociations internationales sur le climat vont réussir. Mais ça signifie qu’elles ne sont plus vouées à échouer».

À Washington pourtant, l’opposition républicaine a été tout aussi prompte à accuser le président Obama d’avoir trop cédé à la Chine, laquelle pourrait soi-disant s’asseoir sur cette entente et ne rien faire jusqu’en 2030. Sauf que si l’entente dit que la croissance des GES en Chine devra plafonner en 2030, cela signifie que la Chine devra commencer à mettre les freins bien avant. C’est d’ailleurs la première fois que la Chine fixe aussi clairement une échéance.

Et la Chine a déjà commencé à mettre les freins: elle s’est engagée à plus que doubler sa production d’électricité «verte» (le solaire, l’éolien... et le nucléaire). Il faut savoir que la Chine dépend énormément du charbon: 70% de sa production actuelle d’électricité, ce qui rend la transition vers 2030 plus ardue que pour son homologue américain. En revanche, de tous les pays du monde, c’est la Chine qui a vu la plus forte croissance dans la production d’électricité verte ces dernières années, une croissance qui, si cette entente est respectée, est vouée à se poursuivre.

Les États-Unis pour leur part, devront doubler la vitesse à laquelle ils s’attaquent actuellement aux GES: alors qu’à l’heure actuelle, leurs émissions sont tombées à 10% sous les niveaux de 2005, ils devront viser 26% à 28%sous les niveaux de 2005, d’ici onze ans. Un objectif ambitieux, mais assez similaire à celui qui avait été envisagé en 2009 à la conférence des Nations Unies de Copenhague, et qui avait échoué.

Dans tous les cas, l’entente semble confirmer qu’un virage a été pris: les investissements dans les énergies propres seront un élément fondamental des politiques des deux grands pollueurs dans la prochaine décennie. Au point où, les mêmes optimistes qui voient déjà une entente sur le climat l’an prochain, voient déjà dans cette entente une raison de plus pour que les États-Unis rejettent le pipeline Keystone XL, qui doit acheminer le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique.

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