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Les deux tiers de certains cancers seraient causés par une malchance... mais une malchance évitable. C’est la conclusion ambigüe qui se dégage d’une recherche qui réalimente un débat où les auteurs donnent l’impression de jouer sur les mots.

En janvier 2015, deux chercheurs de l’Université Johns Hopkins (Maryland) avaient fait beaucoup de bruit en publiant une étude dans la revue Science qui semblait conclure que la « malchance » (bad luck) était responsable des deux tiers des cancers. Soit davantage que des facteurs environnementaux ou que les gènes de nos parents. Après une longue controverse et beaucoup de reproches — à quoi bon cesser de fumer, si un cancer relève de la pure malchance? — le biostatisticien Cristian Tomasetti et l’oncologue Bert Vogelstein persistent et signent : dans une étude parue le 24 mars dans Science, ils arrivent grosso modo aux mêmes chiffres, mais assurent que cela ne signifie pas que les deux tiers des cancers seraient « au-delà des atteintes de la prévention ».  

Le problème en est un de communication avant d’en être un de génétique : déjà en 2015, ce dont il était question n’était pas de la pure malchance au sens où en aurait parlé un joueur de cartes, mais des tissus qui, dans notre corps, sont plus susceptibles de donner naissance à des cancers. Le duo avait plus précisément pointé une corrélation entre la vitesse à laquelle les cellules souches se divisent dans certains types de tissus de notre corps, et le taux de cancer dans ces mêmes tissus. Cette corrélation expliquerait le taux plus élevé de 22 des 31 types de cancers, soit « les deux tiers ». Mais la recherche était devenue un modèle d’un mauvais choix de mots tel que « malchance » qui, lorsqu’il est employé abusivement par les chercheurs, se répercute dans les communiqués de presse de l’université, puis se répercute dans les médias.

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Plus prudents cette fois — et avec un échantillon de dossiers de santé provenant de 69 pays plutôt que des États-Unis seulement — ils pointent la même chose : les cancers qui se développent plus vite dans certains tissus, causés par la « malchance » d’une mutation survenue dans une cellule souche à l’origine en santé.

« Ils ont bien fait cette fois-ci », commente dans StatNews l’oncologue Otis Brawley, de la Société américaine du cancer. « Une personne raisonnable peut lire [cet article] et penser que la prévention n’est pas inutile. » Son opinion n’est toutefois pas partagée par d’autres collègues : au final, si la question soulevée par ces deux études est simplement pourquoi des cancers se développent plus souvent dans certains tissus, le mot « malchance » est trompeur, parce que la mutation aléatoire d’un gène intervient après les facteurs environnementaux et familiaux. L’étude ne permet pas de départager la part respective des uns et des autres, et elle ne nous apprend rien sur le risque qu’a un individu de développer ce cancer.

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