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Comme si la guerre au Soudan n’était pas déjà suffisamment grave, le réchauffement climatique a probablement contribué à la sécheresse dans la région voisine, qui a elle-même contribué à la dégradation de la situation que vivent les populations de toute cette région de l’Afrique.

Avec la sécheresse sont venues des pénuries alimentaires pour des millions de personnes vivant dans ce qu’on appelle la Corne de l’Afrique (Éthiopie, Érythrée, Somalie, Djibouti, Kenya) et des famines pour des centaines de milliers. Avant même que n’éclate la guerre civile au Soudan voisin, des déplacements de populations avaient ajouté à une situation économique extrêmement fragile.

Mais comment affirmer que le réchauffement climatique est en cause? C’est la tâche à laquelle se sont attelés des chercheurs attachés au World Weather Attribution (WWA), un consortium international de scientifiques de différentes disciplines. Ce groupe, depuis 2014, tente de distinguer, dans des événements météorologiques extrêmes, les causes immédiates —comme une variation saisonnière— des causes profondes —comme une évolution à long terme des températures. Par exemple: face à une sécheresse, quelles seraient les chances que cette sécheresse se soit produite « naturellement », si le réchauffement climatique n’était pas présent?

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Et leur réponse est que les sécheresses sévères survenues à répétition ces dernières années dans la Corne de l’Afrique n’auraient pas eu lieu sans l’influence des changements climatiques du dernier siècle. La région est normalement caractérisée par deux saisons des pluies, une de « pluies longues », de mars à mai et une de « pluies courtes », d’octobre à décembre. Depuis 2020, cinq de ces six saisons ont manqué à l’appel. Les sols trop secs sont brûlés par la chaleur. Les champs sont flétris et les animaux d’élevage sont morts par millions.

L’équipe du WWA, dont le rapport a été publié le 27 avril, s’est particulièrement intéressée aux variations des tendances en matière de précipitations et d’évotranspiration, c’est-à-dire la quantité d’eau perdue par les sols et les plantes. Leur conclusion est que les « pluies longues » de la région sont, dans le climat actuel, deux fois plus à risque d’être des « pluies courtes » et que la saison de ces dernières devient plus humide. Mais à cela s’est ajouté entre 2020 et 2022 un phénomène temporaire : El Nina, une perturbation climatique qui réapparaît à intervalles irréguliers dans le Pacifique et qui provoque, par effet domino, une série de perturbations à travers le monde —comme des canicules plus intenses dans la Corne de l’Afrique, qui ont accru l’évotranspiration, asséchant les plantes et le sol plus vite.

Au cours de la conférence de presse résumant leurs résultats, les chercheurs ont aussi souligné que la Corne de l’Afrique a été particulièrement ébranlée ces dernières années par des crises sur lesquelles elle n’a aucun contrôle, de la COVID à la guerre en Ukraine (qui a fait grimper le prix des aliments). Et que ces crises ont eu un impact sur des populations déjà fragiles, particulièrement les agriculteurs et les éleveurs. Des populations ont été déplacées, et ces déplacements ont entraîné des éclosions de choléra, a souligné lors de cette conférence de presse une représentante locale de la Croix-Rouge, Phoebe Wafubwa Shikuku. Pour atténuer les impacts futurs sur, entre autres, la malnutrition, il faudra, anticipe-t-elle, « travailler avec nos communautés et les préparer pour le pire », notamment en mettant en place des alertes plus rapides sur les risques de faibles pluies, dans l’espoir qu’agriculteurs et éleveurs aient le temps de s’ajuster.

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