bot

Tous les experts s’entendent : sur Facebook, Twitter ou TikTok, les comptes robotisés, ou bots, sont inévitables. Dans le web anglophone, on les repère de plus en plus facilement. Et au Québec?

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Par Alain McKenna

« Si une machine peut tweeter en anglais, elle peut aussi le faire en français, affirme Jean-Hugues Roy, journaliste et professeur à l’École des médias de l’UQÀM. Le processus d’apprentissage machine permet de reproduire facilement le langage d’un humain. Mais on ne connaît pas vraiment l’ampleur des bots au Québec ». C’est moins le cas chez nos voisins. 

À la fin mai, des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon, à Pittsburgh, aux États-Unis, ont analysé plus de 200 millions de tweets au sujet de la Covid-19. Leur constat : 45% des auteurs de ces messages semblaient des comptes robotisés conçus uniquement pour répandre des théories du complot, de fausses nouvelles et autres messages néfastes ou trompeurs. 

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Au menu de cette campagne : le faux lien entre les réseaux cellulaires 5G et le virus. Et aussi, la présence de pantins dans les lits d’hôpitaux pour faire croire que la pandémie n’est qu’un énorme canular. 

Pour les universitaires, ça ressemble drôlement à une tentative de la Russie ou de la Chine de causer du tort aux États-Unis. Est-ce vraiment le but ? Peu importe ! Cette manœuvre a affecté l’opinion publique dans plusieurs régions, dont le Québec. Ici aussi, on a vu des antennes cellulaires vandalisées par des gens craignant l’avènement de la 5G… même si ces antennes n’étaient pas dotées d’émetteurs 5G !

Connaître son ennemi…

Selon un vieil adage militaire, le meilleur moyen de vaincre son ennemi, c’est de bien le connaître. Or, on en sait très peu sur ces robots qui opéreraient au Québec. Et ce n’est pas près de changer ! Faute de financement, le Cefrio, l’organisme provincial chargé de dresser un portrait détaillé de l’Internet québécois, cessera ses activités à la fin juin. Ici comme en France, on se rabat généralement sur des études américaines pour illustrer le phénomène. 

Durant la présidentielle française de 2017, ce sont des chercheurs californiens qui ont découvert que des bots interféraient dans la campagne électorale. La plupart de ces faux comptes avaient déjà servi l’année précédente pendant la présidentielle américaine. Ce qui fait dire aux chercheurs qu’il existerait un service de «bots politiques sur demande» capable d’influencer le discours public dans une région donnée.

Au Canada, durant l’élection fédérale de 2019, 20 à 30 % des comptes impliqués dans les conversations politiques sur Twitter présentaient un « comportement suspect ». Depuis, le sujet est tombé dans l’oubli. En d’autres mots, les autorités canadiennes font confiance aux plateformes. Elles disent faire leur possible pour éliminer les comptes fictifs ou carrément malicieux, mais la tâche est énorme.

Il y a deux ans, Twitter a fait un grand ménage, en effaçant 70 millions de faux comptes. L’année suivante, Facebook en éliminait près de trois milliards sur sa plateforme ! Sur une base mensuelle, cinq pour cent de ses utilisateurs actifs seraient, dans les faits, de faux comptes.

Est-il envisageable que des faux comptes opèrent au Québec, dans la langue de Michel Tremblay, et qu’ils soient actifs, en ce moment même, pour générer du bruit autour de la Covid-19 ? « Je pense que c’est probable », concède Jean-Hugues Roy, de l’UQÀM.

Les comptes robotisés sur les réseaux sociaux ne visent pas tous à désinformer. Certains détaillants utilisent ces agents virtuels pour automatiser leur service à la clientèle sur Internet. Certaines agences de presse recourent elles-mêmes à des algorithmes qui produisent une partie de leurs contenus.

Soyons à l’affût !

Les robots apprennent notre langue ? Pour tenter de mieux identifier leurs intentions, imitons-les ! Jean-Hugues Roy invite donc ses élèves, de futurs professionnels des médias, à se familiariser avec le langage informatique et même, à créer leurs propres robots.

D’autres experts recommandent de porter davantage attention à l’environnement dans lequel on interagit en ligne avec un compte en apparence suspect. Son origine, la source de l’information partagée, la fréquence de publication, la composition de son propre réseau de contacts… Selon eux, ce sont tous de bons indices.

Un français approximatif peut aussi être un bon indicateur. Mais encore là, rien ne garantit à 100 % qu’on aura démasqué un vrai faux compte… Peut-être juste un internaute maladroit !

N’empêche: ce qui semble certain, c’est que les bots constituent une partie importante des réseaux sociaux, et qu’ils ont une influence majeure sur l’opinion publique. Cette influence peut s’avérer néfaste, voire dangereuse. Et elle va bien au-delà des frontières géographiques et culturelles.

 

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